Marin MARAIS (1656-1728)
La Rêveuse et autres pièces de viole
Sophie Watillon (basse de viole),
Friedericke Haumann (basse de viole), Xavier Diaz (théorbe et guitare baroque), Evangelina Mascardi (guitare baroque), Luca Gluglielmi (clavecin).
Alpha, 59’33, enr. 2002.
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De rêve mais aussi de regrets. Regrets devant le destin qui nous a privé d’une si grande violiste. Admiration aussi devant cette technique virtuose qui passerait presque inaperçue, si on ne connaissait pas tous les pièges de la partition tant l’archet de Sophie Watillon enchaîne les mesures avec aisance. Faut-il vraiment décrire l’émotion intense qui se dégage de cette « Rêveuse » crépusculaire, murmurée douloureusement pendant 5 minutes qui paraissent une éternité de souffrance et où l’on devine la lutte de l’artiste contre la maladie ? Organisé autour de cette pièce d’une profondeur extraordinaire, le programme – bien que varié – fait la part belle à la nuit et aux ombres, dès la morganatique « Chaconne reportée » de Sainte-Colombe d’une indicible noirceur. Si il se finit par un « Tombeau » [de Monsieur de Sainte Colombe] ? Entre ces échos de désespoir désespéré surgit la vie, bouillonnante, pressée, emplie de l’urgence de croquer les plaisirs à pleines dents, d’emplir ses yeux de paysages et de couleurs, entrevue par l’imposte ronde d’un soupirail. Le « Dialogue » sautille à travers champs, les « Folies d’Espagne » respirent l’émerveillement juvénile et le continuo est ébouriffant d’énergie, les reflets moirés du taffetas de soie envahissent le « Grand Ballet ». Hélas la « Muzette » et le « Caprice » devront s’effacer devant la « Plainte ». On aimerait dire qu’il s’agit là d’un des plus beaux disques de viole qui soit, mais cette galette argentée représente bien plus que cela : ce sont les adieux de Sophie. Et elle nous manque terriblement.
Viet-Linh Nguyen
Technique : prise de son très riche, avec une remarquable dynamique