Telemann, L’Ode au tonnerre
Opera Fuoco, Choeur Arsys Bourgogne
David Stern, direction
création vidéo de Daniel Buren
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Johann Sebastian Bach
Cantate « Schauet doch und sehet » BWV 46
Georg Philipp Telemann
L’Ode au tonnerre (Die Donnerode)
Opera Fuoco
Choeur Arsys Bourgogne
David Stern, direction
Daphné Touchais, soprano
Albane Carrère, mezzo-soprano
François Rougier, ténor
Jean-Gabriel Saint-Martin, baryton
Virgile Ancely, basse
Pierre Cao, chef de chœur
création vidéo de Daniel Buren
1er avril 2014, Cité de la Musique, Paris dans le cadre du cycle « Tempêtes et tremblements » du 30 mars au 10 avril 2014.
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Il est des compte-rendus sur lesquels la plume préfère regagner son encrier, et fuit l’espace immaculé de la feuille. Des soirs de méforme, de relative déception, où même les plus grands peuvent faillir. Alors, on avouera brièvement, avec franchise, qu’Opera Fuoco n’était pas dans son assiette en ce concert du 1er avril, surtout lors de la BWV 46 qui s’est révélée trop massive et classicisante rappelant presque Karl Richter, manquant de rythme, de scansion, de relief et d’éloquence. La faute à un chœur certes d’excellent niveau, mais par trop monochrome et aux effectifs trop bien emplis ? A des solistes à l’émission large et instable, dont la place eut été mieux choisie à l’opéra du siècle suivant qu’à la Thomaskirche ? A David Stern, à la direction certes fluide, mais peu inspirée, trop lisse, sans vision personnelle perceptible ?
Et puis, il y avait l’Ode au tonnerre, passionnante mais difficile œuvre de Telemann, composée sans doute en hommage aux victimes du séisme qui ravagea Lisbonne en 1755. L’œuvre, comme l’analyse finement Gilles Cantagrel, possède la particularité de n’avoir pas de récitatifs, et de juxtaposer airs, duos et chœurs, tout en faisant appel à une orchestration fastueuse (timbales, cors, trompettes…) avec des ensembles très diversifiés. Cette structure en fait un conglomérat ardu à manier, puisque l’exutoire des récits qui permet de jouer sur l’attente et la tension disparaît, mais les trésors d’inventivité de la partition pallient cette carence volontaire.
Hélas, le fait que l’ode ait été interprétée dans la pénombre et sans surtitres (même si le programme en offrait la traduction), et avec les projections intéressantes mais envahissantes de Daniel Buren, en a réduit la compréhension et l’efficacité, tandis que l’équipe de solistes faisait preuve des mêmes travers vocaux que précédemment, à savoir un phrasé insuffisamment nuancé, une imprécision dans les ornements et l’émission, et globalement un investissement hâtif, tandis que le chef peine à insuffler une cohérence ou un discours à cette ode qui se contente de juxtaposer des sections de belle musique. Face à ce plateau en demi-teinte, le chœur Arsys Bourgogne, puissant et enthousiaste, de même l’orchestre coloré et agile (mis à part des trompettes à la justesse douteuse), rappelle l’opulence majestueuse de l’œuvre, tandis que Buren, sur l’écran géant, compose des tableaux colorés, souvent rythmiquement calés sur les percussions, s’abandonnant avec élégance à son obsession des formes géométriques et de la couleur avec un succès surprenant, mêlant minimalisme, abstraction et même symbolique figurative (croix, colonnes, vagues…). Cependant, on admettra ne pas être convaincu par le spectacle dans son ensemble, l’attention des auditeurs étant distraite par la création vidéo et renversant la hiérarchie des arts, la musique devant inféodée à l’image, telle une bande-son de film muet.
Au final, on espère qu’Opera Fuoco remettra le couvert, et permettra, dans un cadre plus intimiste, de redécouvrir l’Ode au tonnerre, en échappant aux convulsions kaléidoscopiques de cette expérience intéressante mais inégale et confuse.
Viet-Linh Nguyen
Site officiel de la Cité de la Musique
Interview de Daniel Buren