Rédigé par 17 h 43 min Concerts, Critiques

Le Grand Tour (Rossi – Profeti della Quinta, Rotem – Potsdam, 19/06/2014)

Voyage extraordinaire. Etrange sensation dans la déambulation entre S-bahn et Friedrichstrasse, de l’Alexander Platz futuriste et grise aux marches de l’Autel ouranien de Pergame à la Porte d’Ishtar qui vit passer, impassible, le grand Alexandre vers la gloire et la mort. Et se retrouver dans ce morceau d’Italie au cœur du Brandebourg.

Salomone Rossi

Il Mantovano Hebreo

©  Susanna Drescher

© Susanna Drescher

Ensemble Profeti della Quinta
Direction Elam Rotem

Jeudi 19 juin 2014 – Rafaelsaal – Orangerie Palais dans le cadre du Musikfestspiele Potsdam Sanssouci

Voyage extraordinaire. Etrange sensation dans la déambulation entre S-bahn et Friedrichstrasse, de l’Alexander Platz futuriste et grise aux marches de l’Autel ouranien de Pergame à la Porte d’Ishtar qui vit passer, impassible, le grand Alexandre vers la gloire et la mort. Et se retrouver dans ce morceau d’Italie au cœur du Brandebourg. Quand les portes des salles damassées de tentures de soie 1850 se sont ouvertes sur cet atrium en échiquier de marbre et ses statues impondérables ça et là. Le temps ne fit que passer et d’une caresse il transporta pour le plus grand rêve du roi Frédéric-Guillaume IV (1840 – 1861) la quasi totalité des tableaux de Raphaël dans cette salle tapissée de soie cramoisie. Et si l’espace d’un instant on oubliait l’internet, les CDs, la télévision, l’homme dans l’espace et les ordinateurs ; si seulement tout ceci n’était qu’une réalité annexe dans ce siècle des érudits. Le XIXème siècle des Schlegel et des Schiller, des Austen et des Wharton, ou au début du siècle terrible avec Proust, James et Joyce ? Ce rêve qui nous fit écouter le divin « Hebreo » Salomone Rossi au milieu des Raphaël nous fit traverser les temps pour un instant et recueillir au creux de nos cinq sens l’esprit d’une ère où l’art dominait l’ennui. 

Israël et ses chants inespérés entrèrent dans le somptueux atrium du Palais de l’Orangerie, Salomone Rossi et ses madrigaux étranges et merveilleux soudain réfractaient une lumière nouvelle sur les madonnes du grand Sanzio. Ces madrigaux sont d’une rare beauté et pour certains en langue hébraïque, ce qui leur donne une douceur toute particulière.

S’attaquant à ces mises en perspectives sacrées ou profanes, l’ensemble israélien Profeti della Quinta est d’un équilibre étonnant. Nous remarquons des voix très bien adaptées au répertoire madrigalesque et d’une étonnante clarté dans la restitution du texte à tel point qu’on s’étonne de comprendre l’hébreu.  Nous encourageons vivement les programmateurs français de s’intéresser à ces Profeti, menés avec enthousiasme par Elam Rotem. Pour les curieux, nous conseillons d’aller les entendre au Festival d’Ambronay cet automne, unique date en France de ces excellents chantres de l’art du Madrigal.

Sortir des songes est dangereux, surtout quand le rêve apporte un réel réconfort dans la poursuite musicale. Mais la nuit est claire, les étoiles poursuivent leur sempiternelle invocation, le chemin est indiqué dans le reflet qui se dessine dans les lumières de la ville endormie. 

Pedro-Octavio Diaz

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Étiquettes : , , , Dernière modification: 8 juin 2021
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