Giovanni Antonio PANDOLFI MEALLI (1629 – post 1679)
« Style fantastique »
Sonates de Giovanni Pandolfi-Mealli et de Johann Jakob Froberger
Giovanni Pandolfi-Mealli : Sonate La Castella, La Melana, La Cesta, La Stella, La Sabbatina, La Clemente opus 3 (1660)
Johann-Jakob Froberger : Lamentation faîte sur la mort tres douloureuse de sa Majesté Impériale Ferdinand le troisième, Toccata III in F (1649), Suite en ré mineur
William Dongois, cornet
Carsten Lohff, clavecin et orgue
Eric Bellocq, luth
65’07, enregistrement en concert au Musée de Neuchâtel (Suisse), Carpe Diem, 2010.
[clear]Cet enregistrement procède de la captation de trois concerts du Concert Brisé d’octobre 2009 au Musée de Neuchatel. La prise de son live relève ici d’une démarche artistique désirant éviter l’artificialité et la perfection lisse due aux multiples montages, et à « une esthétique qui, parce que rendue possible, s’impose comme référence et norme », où l’artiste se fait « son propre imitateur » par la répétition des prises. L’enregistrement en concert, malgré ses limites techniques, et la présence possibles de multiples imperfections tant interprétatives qu’environnementales, préserverait la spontanéité du discours, et une part de prise de risque des interprètes. C’est ce que pense le Concert Brisé. Nous le pensons également, bien qu’il faille se garder de toute logique caricaturale qui opposerait le studio artificiel et standardisé à un « live » authentique et humain. La longueur des prises, la qualité du montage et de la captation, la vision de l’ingénieur du son demeurent en effet primordiaux dans la création de cet objet musical par nature non-naturel qu’est le disque.
Mais revenons à nos musiciens, et à ce programme principalement consacré à des Sonates de Pandolfi Mealli extraites de son Opus 3 daté de 1660 et dédié à Anne de Médicis. Le compositeur est longtemps demeuré mystérieux, si bien qu’Andrew Manze – qui lui a offert un remarquable enregistrement chez Channel Classics n’hésitait pas avec humour à déclarer qu’ « un auditeur curieux peut être pardonné de suspecter que ce compositeur puisse avoir été inventé par quelque musicologue malicieux par un vendredi pluvieux ». Toutefois, les récentes recherches de Fabrizio Longo ont permis d’en savoir plus sur la vie de ce violoniste de la cour d’Innsbruck, puis à la Chapelle de la Cathédrale de Messine où il dépêcha d’un preste coup d’épée un castrat romain avec lequel il s’était querellé pendant la Messe solennelle du 21 décembre 1675 (!) ce qui le conduisit à fuir en France, puis en Espagne où on le retrouve au service de la Chapelle Royale à Madrid.
Les œuvres ont été transcrites pour le cornet, et la transposition de ces sonates violinistiques pour cet instrument que l’on disait le plus proche de la voix humaine, et qui florissait dans la péninsule italienne avant que la Peste n’emporte ses défenseurs, s’avère à la fois du plus haut intérêt, et un brin frustrante. Du plus haut intérêt d’abord, car William Dongois rend grâce aux méandres de Pandolfi Mealli grâce à une maîtrise irréprochable de son instrument. Au-delà de la virtuosité technique, indispensable dans des lignes mélodiques très ornées, on admire la fluidité naturel, les nombreuses nuances dont se pare le discours, une vision solaire et détendue, d’une étonnante modernité jazzy sans les excès pluharesques mais par le jeu constant des modifications de rythme ou de tempo qui donne à l’ensemble l’apparence d’une conversation improvisée, d’une douceur sensuelle. C’est peut-être dans La Castella, avec ses variations sur basse obstinée que l’entêtant timbre pincé et soyeux du cornet murmure et séduit le plus, alors que La Cesta laisse entrevoir des aigus déchirants.
Un brin frustrante, ensuite. Car pour les habitués de Letzbor ou Manze et ceux qui aiment un Pandolfi Mealli extraverti, sanguin, imprévisiblement fougueux, l’interprétation du Concert Brisé, intimiste et chambriste, au climat uniformément reposé et souriant, avec un continuo attentif mais en retrait, peut paraître d’une sensibilité un peu terne, mais résolument souhaitée, comme l’illustrent la mélancolie introspective de l’admirable Lamentation faite sur la mort très douloureuse de Sa Majesté Impériale Ferdinand le troisième que Carsten Lohff égrène avec une lisibilité intense. De même, la Suite de Froberger, qu’Eric Bellocq sculpte au luth, n’est que tendresse raffinée. Peut-être qu’en variant l’instrument de dessus, l’auditeur aurait pu se sentir sur des sables plus stimulants car mouvants. Peut-être aussi cette délicate balade, rêveuse et évocatrice, souvent nostalgique et sinueuse, ne se laisse t-elle approcher que dans la fraîcheur de l’aube.
Armance d’Esparre
Technique : prise de son équilibrée, continuo un peu trop lointain chez Pandolfi Mealli