Rédigé par 0 h 21 min Gastronomie, Vagabondages

La cuisine de Louis : recette du chocolat chaud à Versailles

Le chocolat était certes connu en Espagne depuis les conquistadores, mais il faut attendre 1615 et les noces de Louis XIII et d’Anne d’Autriche à Bayonne pour qu’il ne soit introduit en France. Louis XV en fut grand amateur…

Menon, Les soupers de la Cour, ou L’art de travailler toutes sortes d’alimens, pour servir les meilleures tables, suivant les quatre saisons. Tome 1 – Source : Gallica / BnF

Ah, le chocolat ! Délicieuse effluves de nos goûters d’enfance, regrets de voir l’honorable Gros Quick remplacé par cet arriviste de lapin que nous ne ferons point l’honneur de nommer. Mais figurez-vous, à l’instar du café, que ces breuvages si goûtés ne sont arrivés que tardivement en Europe. Le chocolat était certes connu en Espagne depuis les conquistadores, dès le XVIème siècle, mais il faut attendre 1615 et les noces de Louis XIII et d’Anne d’Autriche à Bayonne pour qu’il soit introduit en France. Marie-Thérèse d’Autriche, la discrète épouse de Louis XIV, en raffolait et le faisait préparer par sa femme de chambre Molina. Et à compter de 1670, à l’imitation de la Cour, l’habitude de ce breuvage se répand à Paris. Louis XV en fut grand amateur, et le préparait parfois lui-même, dans ses Petits Appartements versaillais. Ajoutons à cela qu’il était censé avoir des vertus aphrodisiaques. Alors quelle meilleure recette à recommander que celle du chocolat du Siècle des Lumières ?

“Vous mettez autant de tablettes de chocolat que de tasses d’eau dans une cafetière et les faites bouillir à petit feu quelques bouillons ; lorsque vous êtes prêts à le servir, vous y mettez un jaune d’œuf pour quatre tasses et le remuez avec le bâton sur un petit feu sans bouillir. Si on le fait la veille pour le lendemain, il est meilleur, ceux qui en prennent tous les jours laissent un levain pour celui qu’ils font le lendemain ; l’on peut à la place d’un jaune d’œuf y mettre le blanc fouetté après avoir ôté la première mousse, vous le délayez dans un peu de chocolat de celui qui est dans la cafetière et le mettez dans la cafetière et finissez comme avec le jaune.”

Menon, Les Soupers de la Cour ou l’Art de travailler toutes sortes d’aliments pour servir les meilleures tables suivant les quatre saisons (chez Guillyn, 1755)

Ce chocolat chaud est une boisson pâteuse en bouche et lourde à digérer car le cacao n’est pas dégraissé. On sert la tasse de chocolat accompagnée d’un verre d’eau fraîche. La préparation du chocolat demande un bouillonnement, et un mélange remué à l’aide d’un bâton spécifique en buis – dit le moussoir – pour agiter constamment le liquide avant de le verser dans chaque tasse. Et bien que la recette parle de l’usage d’une “cafetière” à la forme relativement semblable, il existe, depuis la fin du XVIIème siècle des chocolatières dédiées. Ainsi un modèle anglais en argent, parmi les premiers objets datés de ce type, remonte à 1685.

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Ce qui distingue la chocolatière de la cafetière, c’est surtout un bouton pivotant sur le couvercle, qui permet, une fois écarté, de laisser passer le manche du moussoir. Il en existe des modèles en argent, parfois montés sur 3 pieds, ou plus communément en porcelaine et cet objet a perduré jusqu’à nos jours quoique de moins en moins fréquent. Au Siècle des Lumières, la chocolatière en France possède souvent un corps en forme de balustre, parfois trois pieds “sabots ” assez hauts ou bien un fond plat s’adaptant sur un réchaud, un long bec verseur à clapet, avec bouton en chute (qui s’ouvre quand on penche la chocolatière). Le couvercle à charnière se termine par un disque mobile (destiné à laisser passer le moussoir) surmonté d’un bouton. 

M.B.

Étiquettes : , , , Dernière modification: 29 décembre 2020
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