Jean-Baptiste Lully, Armide
Les Talens Lyriques, Dir. Christophe Rousset
Jean-Baptiste Lully (1632 – 1687)
Armide (1686)
Tragédie en musique en cinq actes avec prologue
Livret de Philippe Quinault
Créée à l’Académie Royale de Musique de Paris le 15 février 1686
(Edition musicale réalisée par Nicolas Sceaux)
La Gloire, Phénice, Mélisse : Judith van Wanroij,
La Sagesse, Sidonie, Une bergère héroïque, Lucinde : Marie-Claude Chappuis,
Armide : Marie-Adeline Henry,
Hidraot : Andrew Schroeder,
Aronte, La Haine : Marc Mauillon,
Renaud : Julian Prégardien,
Artémidore : Patrick Kabongo,
Le Chevalier danois, Un amant fortuné : Fernando Guimarães,
Ubalde : Julien Véronèse,
Une nymphe des eaux : Hasnaa Bennani,
Figurants :
Prologue :
Christophe Crotti, Laurent Diwo, Fanny Gourieux, Pierre Grenouilleau,Gérard Hours, Martine Lopez, Patrice Massenet, Edouard Niqueux,Timothée Rochat, Diane Vaicle
Acte IV:
Ly Huyen, Isabelle Redfern
Direction musicale: Christophe Rousset
[TG name = »Les Talens Lyriques »]
Dessus de violon I : Gilone Gaubert-Jacques, Charlotte Grattard,
Karine Crocquenoy, Giorgia Simbula
Dessus de violon II : Virginie Descharmes, Jean-Marc Haddad,
Pierre-Eric Nimylowycz
Hautes-contre de violon : Laurent Gaspar, Delphine Grimbert
Tailles de violon : Lucia Peralta, Marta Paramo
Quintes de violon : Brigitte Clément, Ellie Nimeroski
Basses de violon : Emmanuel Jacques, Julien Hainsworth,
Jérôme Huille, Claire Gratton
Flûtes traversières : Georges Barthel, Stefanie Troffaes
Flûtes à bec : Stefanie Troffaes, Laura Duthuillé
Hautbois : Vincent Blanchard, Laura Duthuillé
Basson : Catherine Pépin
Continuo Basse de violon : Emmanuel Jacques
Viole de gambe : Lucile Boulanger
Luth et Guitare : Laura Mónica Pustilnik
Clavecin et orgue : Korneel Bernolet
Clavecin : Christophe Rousset
[/TG]
[TG name= »Chœur de l’Opéra national de Lorraine »]
Chef des chœurs : Merion Powell
Dessus : Patricia Garnier, Inna Jeskova, Elena Lefur,
Dania Malychev, Soon Cheon Yu
Hautes-contre : Jean-Christophe Henry, Benoît Porcherot,
Marcio Soares Holanda, Matthieu Peyregne
Tailles : Jean-Marc Duval, Ronald Lyndaker, Tadeusz Szczeblewski, Ill Yu Lee
Basses : Benjamin Colin, Pascal Desaux, Michaël Kraft,
David Richards, Christophe Sagnier, Xavier Szymczak
[/TG]
[TG name= »Danseurs du CCN-Ballet de Lorraine »]
Direction : Petter Jacobsson
Guyonn Auriau, Amandine Biancherin, Pauline Colemard, Vivien Ingrams,
Nina Khokham, Laure Lescoffy, Valérie Ly-Cuong,
Sakiko Oishi, Marion Rastouil, Ligia Saldanha,
Florence Viennot, Valérie Ferrando, Bulat Akhmejanov,
Jonathan Archambault, Guillaume Busillet, Matthieu Chayrigues,
Justin Cumine, Fabio Dolce, Charles Dalerci,
Phanuel Erdmann, Tristan Ihne, Yoann Rifosta, Luc Verbitzky
[/TG]
Mise en scène : David Hermann
Chorégraphie : Petter Jacobsson et Thomas Caley
Décors & Vidéo : Jo Schramm
Costumes : Patrick Dutertre
Lumières : Fabrice Kebour
Assistant Direction musicale : Korneel Bernolet
Assistant Mise en scène : Jean-Philippe Guilois
Assistante Costumes : Anne Véziat
Régie générale : Véroniue Kespi
Régie de scène : Louise brun
Chef de chant : Solange Fober
Représentation du dimanche, 21 juin 2015 à l’Opéra national de Lorraine (Nancy)
Si, partout en France ce week-end, la Musique était l’objet de tous les honneurs qui lui sont dus, les regards se devaient de converger vers une ville de l’Est de la France, Nancy. Cette cité connue entre autre pour sa sublimissime Place Stanislas rayonnait encore plus particulièrement par le spectacle en son sein le plus précieux, son opéra où était donnée Armide de Jean-Baptiste Lully coproduite par l’Opéra national de Lorraine et le Centre Chorégraphique National (CNN) – Ballet de Lorraine.
Cette tragédie en musique en cinq actes avec prologue est la dernière terminée par Jean-Baptiste Lully. Elle fut composée en 1686 sur un livret de Philippe Quinault et est souvent considérée comme le chef d’œuvre des deux artistes. Armide est donc en quelque sorte leur chant du cygne, puisque Quinault renonce au théâtre et Lully décède l’année suivante. Probablement à cause de la disgrâce dans laquelle Lully était tombé à la cour et surtout l’influence exercée par Madame de Maintenon, l’œuvre ne fut pas créée à Versailles mais à Paris, au Théâtre du Palais Royal, le 15 février 1686 en présence du Grand Dauphin Louis de France, fils aîné de Louis XIV. Le Roi n’assista jamais à une seule représentation, ce qui affecta fort le compositeur.L’œuvre fut affublée d’un sobriquet peu élogieux « l’opéra des Dames ».
Le sujet de la tragédie est tiré de Gerusalemme liberata, La Jérusalem délivrée, du poète italien Le Tasse. Le fond de cette tragédie se veut être le témoin et le narrateur de l’amour malheureux de la magicienne Armide pour le chevalier Renaud. Il est basé sur un sujet héroïque et non mythologique marquant ainsi une évolution dans le choix des livrets. Dans sa « spectaculaire » mise en scène, David Hermann bouleverse les repères de l’espace temps en faisant alterner voire cohabiter deux époques grâce aux décors changeants de Jo Schramm. Les personnages évoluent tantôt dans un espace librement inspiré des décors d’origine conçus par Bérain et tantôt dans celui d’une salle de répétition de danse aux miroirs reflétant les deux « mondes » !
Les danseurs, en tenue d’aujourd’hui, répétant devant des visiteurs (le chœur), affrontent l’image d’un monde baroque à découvrir ou à redécouvrir dans lequel évoluent Armide et Renaud parés des sublimes costumes signés des mains de Patrick Dutertre. Dans ce chassé-croisé, la troupe du ballet glisse de l’ère moderne vers l’époque baroque en adoptant des éléments de costume historique, des pas de danse et des attitudes baroques tandis qu’Armide se libère de son carcan à l’esthétique baroque pour revêtir une robe noire dépouillée de tout attribut superflu. Le dénuement est réduit à sa plus simple expression ! Même s’il essaye de s’échapper, Renaud reste « prisonnier » des codes baroques répondant ainsi à l’appel quelque peu illusoire de la « Gloire » qui, pour lui, demeure un refuge fuyant la réalité du monde moderne et surtout l’amour d’Armide. Les jeux de lumière de Fabrice Kebour soulignent avec finesse les décors en révélant lors du second acte des démons chevauchant des dragons.
Ce perpétuel mouvement scénique met en surbrillance la belle prestation des danseurs du Ballet de Lorraine, placés sous les patins communs des chorégraphes Petter Jacobsson et Thomas Caley. Ils offrent enfin un ballet digne de ce nom dans un opéra français. Merci !
Même si le prologue projeté sur une immense toile est traité comme un acte à part entière, il peut se révéler un peu long. Il n’en demeure pas moins inutile servant ainsi de fil conducteur entre ces incessants sauts temporels. Un clair et vibrant hommage est rendu au Roi qui, dans ses plus beaux atouts, déambule Place Stanislas pour se rendre jusqu’à la scène de l’Opéra en parcourant la « Cour des Miracles » et les coulisses.
Armide apparaît donc comme la composition la plus aboutie du compositeur même si des controverses sont nées entre Rameau et Rousseau. Le monologue d’Armide “Enfin il est en ma puissance”, final de l’acte II, est considéré comme le modèle le plus parfait du vrai récitatif français. Il fit d’ailleurs, lors du célèbre épisode de la Querelle des Bouffons, l’objet d’une élogieuse analyse par Rameau mise à mal par La lettre sur la musique française de Rousseau, fervent défenseur de l’opéra italien.
La distribution dans l’ensemble se montre sans écart vocal. Une remarque peut être néanmoins apportée sur l’attribution du rôle d’Hidraot confié à un baryton basse Andrew Schroeder. Même s’il jouit d’un registre et d’une tessiture plus larges, Schroeder n’incarne pas la vaillance royale tant attendue dans laquelle une basse serait plus convaincante évitant ainsi l’écueil d’une voix engorgée.
Armide, Marie-Adeline Henry, est criante de vérité apparaissant sous les traits d’une amante troublée, éperdue de passion, acte I scène 1, “Je ne triomphe pas du plus vaillant de tous”. Son timbre est brillant et très agile dans les ornements. Son interprétation voce aperta (voix ouverte) lui permet d’éviter la stridence si disgracieuse et le timbre « criard » du médium. Son immense désespoir est exprimé dans l’acte III scène 1, “Ah ! Si la liberté me doit être ravie”.
Le ténor Julian Prégardien, sous les traits de Renaud, révèle dans l’acte II scène 1 “Allez, allez remplir ma place aux lieux d’où mon malheur me chasse”, sa tessiture élevée à la voix claire frôlant le son homogène produit par la voix de haute-contre. Tout au long de ses interventions, il marquera une constance sans faille.
Dans la plus grande variété de moyens expressifs, Marc Mauillon incarne avec brio Aronte et La Haine, acte III scène 4 “Je réponds à tes vœux, ta voix s’est faite entendre jusque dans le fond des enfers.” Il fait résonner tout son corps pour donner force et vie à “Plus on connaît l’amour, plus on le déteste”.
Au fil de leurs diverses « incarnations », Judith van Wanroij – La Gloire, Phénice, Mélisse – et Marie Claude Chappuis – La sagesse, Sidonie, Une bergère héroïque, Lucinde – se complètent agréablement. La première développe un timbre riche, souple manquant ni de souffle ni de puissance, la seconde jouant plus dans un registre vaillant mais velouté.
Même si son rôle Une Nymphe des eaux n’est que de courte durée, Hasnaa Bennani offre généreusement sa voix claire aux facettes brillantes telles le diamant sous l’effet de la lumière. Cette jeune soprano marocaine, à l’avenir plus que prometteur, a remporté en 2011 le Premier prix du Concours de Chant Baroque du Festival de Froville.
Saluons les interprétations de Julien Véronèse – Ubalde – pour l’étendue de sa voix, Fernando Guimarães – Le Chevalier danois & Un amant fortuné – et Patrick Kabongo – Artémidore –.
Au cinquième acte, l’impressionnante passacaille avec chœurs et solistes est également l’un des clous de la partition si magistralement interprétée par Christophe Rousset à la tête de son ensemble les Talens Lyriques. Sa direction marque une précision souvent enviée aux horlogers helvètes. Chaque note découle naturellement de sa gestuelle vivace sans brusquer le fil de la musique. Ses musiciens servent avec art cette magnifique discipline grâce à l’onctuosité des cordes, au continuo pertinent et infaillible.
Le Chœur de l’Opéra national de Lorraine est au rendez-vous. Il sonne juste, il occupe la scène avec prestance. Il participe à l’investissement général et mêle son talent à celui des autres artistes pour porter au firmament cet Art, qu’est la Musique !
Jean-Stéphane Sourd Durand
Étiquettes : Jean-Baptiste Lully, Jean-Stéphane Sourd-Durand, Les Talens Lyriques, opéra, Opéra national de Lorraine, Prégardien Julian, Rousset Christophe, Van Wanroij Judith Dernière modification: 26 novembre 2020