Judith & Esther : destins divins
(Œuvres Françaises autour des guerrières bibliques)
Louis-Antoine Dornel – Suite en sol
Jean-Baptiste Moreau – ESTHER
Elisabeth Jacquet de la Guerre – ESTHER
Louis-Antoine Dornel – Chaconne
François Couperin – Jérusalem/ Sonade La Pucelle
Sébastien de Brossard – JUDITH ou la Mort d’Holoferne
Julie Fioretti – soprano
FUOCO E CENERE
Direction Jay Bernfeld
1 CD – Cordes & Âmes – 2014
[clear]« Hester, Judith et Delbora,
Qui furent dames de grant pris,
Par lesquels Dieu restora
Son peuple, qui fort estoit pris,
Et d’autres pluseurs ay apris
Qui furent preuses, n’y ot celle,
Mains miracles en a pourpris
Plus a fait par ceste Pucelle. »
Qui de mieux que l’insigne Christine de Pisan pour introduire ce récital. Cet extrait du « Ditié de Jehanne d’Arc » (1429) constitue le dernier opus de la femme de lettres, puisqu’elle mourut en 1430. Christine de Pisan fut une femme d’exception dans un temps de troubles et de peurs. Faut-il aujourd’hui, quand les crises de société s’accentuent de jour en jour, évoquer ces têtes de proue de l’histoire universelle ? Le devoir de mémoire est devenu celui de la commémoration, de la célébration. L’hommage est servile alors qu’il devrait être exemplaire.
Pour l’heure, ce récital biblique rassemble un choix de pièces assez diverses de la production française du XVIIème siècle majoritairement. Si nous saluons la redécouverte de la musique de Moreau pour l’Esther de Racine et la très belle cantate éponyme d’Elisabeth Jacquet de la Guerre, nous nous étonnons de ne pas trouver de réelle cohérence narrative dans cet album. Ce qui peut passer, péniblement, au récital ne fonctionne par forcément au disque. Surtout, nous nous étonnons de trouver côte à côte deux héroïnes qui n’ont pratiquement rien à voir. Esther ne sacrifie ni Amman ni Aruérus, contrairement à la Judith, la libératrice de Bethulie. Il eut été plus judicieux de mettre Esther toute seule ou avec d’autres reines bibliques et Judith avec Déborah. Cependant, la notion de vertu et de sacrifice apparaissent, est-ce vraiment une raison pour composer un programme ? Le plaisir vient surtout des redécouvertes.
L’un des atouts principaux de ce disque est la voix incontestablement raffinée de Julie Fioretti. Nous apprécions son timbre, avec un brin de jeunesse, son ornementation soignée, le réel souci du style et du texte et la fraicheur dans la ligne. Nous espérons que Mlle Fioretti poursuivra son exploration de la musique française, elle possède les capacités pour la rendre passionnante.
Côté instrumentistes, le bât blesse de par un relatif manque d’investissement de Fuoco e Cenere, appliqué mais poli. Si Jay Bernfeld tente d’animer cette musique avec une viole ductile très présente, le résultat n’est malheureusement pas vraiment convaincant. Nous avons été déçus par la suite trop monochrome et lisse de chaque air, de chaque récit. Ni Moreau, ni Jacquet de la Guerre, ni Couperin ne semblent différents les uns des autres musicalement, et l’on a presque l’impression que les tenants de la thèse selon laquelle toute la musique française après Lully et avant Rameau n’est qu’un amas sans personnalité triomphent.
En somme, et en dépit de l’interprétation ciselée de Julie Fioretti, ce disque souffre d’un manque de relief et de variété en dépit d’une sélection intéressante quoique trop décousue.
Pedro-Octavio Diaz
Film-animation réalisé par Fred Bayle à l’occasion de la sortie du nouvel opus de Fuoco E Cenere le 17 mars 2014
Étiquettes : François Couperin, Fuoco E Cenere, Muse : 3, Musique vocale, Pedro-Octavio Diaz Dernière modification: 25 novembre 2020