80 ans déjà ! Le 30 mai dernier, le « Pape de la musique baroque », comme certains le surnomment, soufflait ses 80 bougies. Et le secret de sa longévité réside peut-être dans son élégante distinction, son sourire discret, son clavier bien tempéré.
Pionnier du renouveau de la musique baroque voici près de 50 ans, aux côtés de Nikolaus Harnoncourt et des frères Kuijken, Gustav Leonhardt a su redonner au clavecin ses lettres de noblesse. Certes Wanda Landowska ou d’autres avaient bien tenté de manière enthousiaste – et hasardeuse – de faire revivre le répertoire de Bach ou Couperin. Mais la rigueur musicologique, la maniaque précision dans la facture du clavecin, combinés à ce toucher à la fois austère et plein de retenu et d’émotion caractérisent cette révolution baroque de laquelle Leonhardt fut l’un des porte-étendards les plus engagés. A la fois chef du Leonhardt Consort, claveciniste-organiste et musicologue, l’infatigable héraut parcourra les terres baroques et ne les quittera plus jamais. Dès 1950, il joue l’Art de la Fugue et enregistre ses premiers disques (dont certains ont été récemment ré-édités par Vanguard Classic dont un Art de la Fugue et des Goldberg des 50’s) et la complicité familière qu’il nouera avec la Cantor de Leipzig ne se démentira jamais, que ce soit à travers les variations des Goldberg ou les cantates sacrées. Il incarnera même le compositeur dans la Chronique d’Anna-Magdalena Bach.de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet. Et la perruque et le justaucorps lui allaient comme un gant.
Chercheur reconnu, Leonhardt s’est vu offrir dès 1969 une chaire à Harvard, et d’innombrables nominations ont suivi, le propulsant docteur honoris causa des universités de Yale, Harvard, Washington, Dallas, Metz, Amsterdam, Padoue. Il a fallu attendre l’année dernière pour que la France, si généreuse en breloques émaillées, lui octroie enfin l’insigne de Commandeur des Arts et des Lettres. Peut-être l’austère protestant, qui regretta une fois qu’un de ses concerts ne corresponde pas au calendrier liturgique luthérien, aurait-il préféré un instrument ancien ou une voiture de course, lui qui les collectionne dans sa demeure d’Amsterdam.
Que dire d’autre ? Récapituler l’abondante discographie du Maître remplirait facilement un catalogue leporellien. Citer quelques-unes des réalisations reviendrait à stigmatiser les autres… Mentionnons simplement que le jeu de Gustav Leonhardt a considérablement évolué au cours de sa carrière, passant d’une approche extrêmement analytique, d’une lenteur délibérée, (que certains trouvaient par trop raide et froide) à un touché plus lié, aux articulations moins fortement marquées. A cet égard, la comparaison entre deux versions des Suites anglaises est frappante. Et s’il faut un coup de cœur, ce sera les Sonates bibliques de Kuhnau (Musicalische Vorstellungen einiger Biblische Historien) ré-éditées voici 10 ans déjà dans l’indispensable Gustav Leonhardt Edition de Teldec et où la voix calme et posée du Maître lit la description allemande de chaque morceau avant qu’il soit joué. Mais arrêtons-nous vite là, car ce billet d’anniversaire pourrait trop vite ressembler à une élogieuse nécrologie, et nous souhaitons à Gustav Leonhardt encore de nombreuses années de clavecin, d’orgue et de clavicorde.
Viet-Linh NGUYEN
Étiquettes : Leonhardt Gustav Dernière modification: 1 juin 2008