Le duo Benjamin Lazar et Vincent Dumestre a encore frappé. Et il frappe fort. Prononciation restituée, gestuelle ultra codifiée, costumes et décors inspirés de Bérain et Vigarani, éclairage à la bougie, machineries diaboliques propulsant les dieux, instruments d’époque bien entendu. N’en jetez plus, la cour est pleine ! Ce 21 janvier dernier – anniversaire de la décapitation de Louis XVI d’ailleurs – l’Opéra Comique accueillait sa dernière-née, la tragédie lyrique. Un beau brin de fille, qui manquait encore de grands récitatifs dramatiques mais qui alliait déjà chœurs somptueux, ritournelles et danses, ariettes. La salle entière frémissait devant la magie de l’ensemble, loin d’une reconstitution sclérosée. Alors, rouvrons un vieux débat en fustigeant partisans de l’actualisation à tout prix, des dieux habillés en PDG, des soldats romains mitraillant les islamistes, des reines et des magiciennes en latex. Relisons la Malscène de Philippe Beaussant dont la plume à la fois sensée et acerbe en égratigna plus d’un. Non, on ne comprend pas mieux l’intrigue si les habits sont contemporains. Non, le livret n’est pas un paillasson sur lequel les metteurs en scène peuvent greffer leurs délires lubriques et les clips vidéo de leurs connaissances. L’opéra baroque, qu’il s’agisse de tragédie lyrique ou d’opéra italien, se nourrit de l’imaginaire et de l’Histoire. Les croisés, l’Olympe et Jules César n’étaient pas ce qu’il y avait de plus proche des gens au XVIIème et au XVIIIème siècle, même si les spectateurs avaient une culture plus étendue. Sans aller jusqu’à la cohérence de Benjamin Lazar, force est de constater que cela fait du bien lorsque l’opéra a un sens, et qu’il s’agit de celui prévu par ses créateurs. Et puis, de façon beaucoup plus subjective, n’en avez-vous pas assez de cette laideur assumée des mises en scène actuelles ? Alors, cette pléthore de perruques, ces costumes exotiques chatoyants, ces incroyables couleurs, eh bien, nous on les aime. Et nous assumons ce goût de luxe, rétrograde et conservateur, qui se délecte des chevaux de marbre, des brocards, et des boccages en trompe-l’œil. Heureusement, au vu des applaudissements du public, nous n’étions visiblement pas les seuls. Vive Benjamin Lazar, et tous ceux qui suivront son chemin ! Pour le reste, sans paraphraser notre critique du spectacle, nous vous incitons à vous précipiter à Rouen afin d’assister aux représentations restantes de ce merveilleux petit bijou.
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Viet-Linh NGUYEN