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A la bataille !

Profitons du mois de Mars et de la douceur de son climat pour célébrer… le Dieu de la Guerre. Non pas la guerre réelle, brutale et assassine qui tâchait les justaucorps chamarrés tout autant que les treillis modernes (l’on mettait juste un peu plus de decorum à périr en ce temps-là), mais la guerre-promenade, la guerre-spectacle faite de combats de carrousels, de sièges de forteresse dansés sur des rythmes de menuets, celle où toutes les dames de la cour attendent, les éventails en émoi, le roulement de tambour annonçant la reddition de la place ennemie…

Adam Frans Van der Meulen, L’ Armée de Louis XIV devant Tournai (1647)
© Insecula, Musée Royaux des Beaux-Arts de Belgique

Profitons du mois de Mars et de la douceur de son climat pour célébrer… le Dieu de la Guerre. Non pas la guerre réelle, brutale et assassine qui tâchait les justaucorps chamarrés tout autant que les treillis modernes (l’on mettait juste un peu plus de decorum à périr en ce temps-là), mais la guerre-promenade, la guerre-spectacle faite de combats de carrousels, de sièges de forteresse dansés sur des rythmes de menuets, celle où toutes les dames de la cour attendent, les éventails en émoi, le roulement de tambour annonçant la reddition de la place ennemie. Celle des tableaux de Parrocel des Batailles, dont les œuvres ornent la Salle des Gardes à Versailles et à qui le Louvre accorde en ce moment une exposition, celle d’Adam Frans Vendremeule, de Van Blarenberghe où les tranchées ne sont que des prétextes à de bucoliques paysages où s’agitent des uniformes chamarrés. La Bergère promenant son troupeau y est simplement remplacée par des gardes-françaises bleus, des gardes-suisses écarlates, beaucoup de chevaux, des généraux emplumés et des étendards claquant au vent. Quel dommage que l’on ait pas droit à la scène d’intérieur intimiste à la Vermeer ou Metsu, avec un général accoudé à un monceau de cartes d’état-major dans une lumière dorée d’automne… Au loin, la ville attend paisiblement que les bouches à feu crachotent de charmantes volutes de fumée et les boulets qui vont avec.

En musique, c’est la même chose… Ecoutons l’Alceste de Lully et sa formidable scène de siège, la seule à ma connaissance dans une tragédie lyrique. “A l’assaut, à l’assaut / aux armes, aux armes !” se répondent les deux chœurs antagonistes tandis que les uns décochent leurs flèches et les autres redoublent d’effort avec leur bélier. Ah, que voilà une fière bataille et le prétexte de quelques simphonies martiales ! Haendel est plus chiche : les pires affrontements s’expédient le temps d’un petit intermède instrumental, qu’il s’agisse des phalanges d’Alexandre (Alessandro), des légions de César (Giulio Cesare) ou des chevaliers croisés (Rinaldo). Il faut dire que le public espère surtout l’air de bataille précédant le combat où le général fait montre de sa virile virtuosité, et l’air de désespoir ou de triomphe qui suit…

Et ce petit panorama très loin de l’exhaustivité ne saurait passer sous silence la Battaglia d’Heinrich Ignaz Franz von Biber. Dans cette sonate à la forme très libre, le compositeur autrichien dépeint avec truculence des mousquetaires dans le feu de l’action. Les cordes y imitent tour à tour des appels de tambour et trompettes, la cacophonie d’une auberge (dans un passage aux dissonances ahurissantes digne de la pire musique contemporaine, le Chaos de Rebel n’est rien à côté), des coups de feux, coups de canon, puis le retour des blessés…

Cette fin glauque qui nous renvoie aux gravures de Callot vous fera t-elle douter du bien-fondé du Lascia amor e segui Marte ! Va, combatti per la gloria (Lâche l’Amour et suit Mars, part combattre pour la gloire) que Zoroastre – pas celui de la Flûte Enchantée – conseille à Roland dans l’Orlando de Haendel ?

                                                                                                                                                    Viet-Linh NGUYEN

Dernière modification: 1 mars 2007
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