Rédigé par 17 h 00 min Patrimoine, Vagabondages, Voyages

Sous les ors et décors de la IIIe République

Avant la mise en place de grands rideaux de soie rouge qui parachèveront de donner toute sa majesté au lieu, l’Opéra comique dévoilait au public son Foyer restauré à l’occasion de la première de David et Jonathas, le 14 janvier dernier.

L’Opéra Comique

© DR Designers anonymes

Avant la mise en place de grands rideaux de soie rouge qui parachèveront de donner toute sa majesté au lieu, l’Opéra comique dévoilait au public son Foyer restauré à l’occasion de la première de David et Jonathas, le 14 janvier dernier. Grâce au mécénat exceptionnel du World Monuments Fund, les travaux menés sous la direction des Monuments Historiques ont permis de rafraîchir les décors du Foyer afin de retrouver la lisibilité cet ensemble exceptionnel.

Institution presque tricentenaire, l’Opéra Comique s’est installé en 1783 sur un terrain cédé par le Duc de Choiseul, à proximité du Boulevard des Italiens. Appelé salle Favart – du nom du librettiste Charles-Simon Favart (1710-1792) – le bâtiment fut deux fois incendié (en 1838 et 1887), et deux fois reconstruit sur le même emplacement. L’actuel théâtre fut édifié en 1898 par l’architecte Louis Bernier (1845-1919) qui, fort des enseignements du passé – les incendies avaient pour origine un éclairage au gaz défectueux – eut la bonne idée de l’équiper de l’électricité et de normes de sécurité modernes. La façade du bâtiment – actuellement cachée à la vue par des échafaudages – qui s’inspire du modèle de Davioud au théâtre du Châtelet, reflète le style néoclassique en vogue, avec ses nombreuses statues allégoriques et caryatides. Mais c’est seulement après avoir passé l’entrée du bâtiment classé au titre des Monuments Historiques depuis 1977, que l’on prend véritablement conscience de l’intérêt du bâtiment, témoignage d’un art et d’une époque.

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Anticipant les théories du début du XXe siècle sur l’ornementation, la décoration intérieure de l’Opéra Comique rappelle partout la vocation du bâtiment : selon son architecte, «tout ce qui constitue le genre opéra-comique dans les différents pays et aux différentes époques». Dans le Foyer remis à neuf, ce sont donc des évocations du théâtre et de la musique que croise notre regard, avant d’en entendre les sons. Les lettres O et C entrecroisées, la lyre et le masque, les figures allégoriques (notamment les bronzes dorés représentant la Musique et le Chant de Paul Gasq) et les éléments végétaux – symbolisant le naturel et la vitalité du répertoire – en sont des éléments récurrents. Parmi les bustes en marbre et médaillons de compositeurs, librettistes et chanteurs du décor, on croise peu de références à la période baroque, qui constitue une petite partie de son répertoire récemment remis à l’honneur par la nouvelle direction de l’établissement. Néanmoins, ici, l’opulence des décors de marbre, d’or et de stucs n’a rien à envier au Grand Foyer néo-baroque de l’Opéra Garnier ; ce sont les dimensions qui les différencient. L’espace de l’Opéra comique est plus intime et chaleureux – donnant ainsi tout son sens au mot «foyer», certainement plus propice aussi aux rencontres entre passionnés. Et à l’observation des peintures qui en constituent le décor, à la lumière des deux imposants lustres redorés de la maison Christofle. 

© DR Designers anonymes

Aux deux extrémités de la salle, se détachent les peintures d’Henri Gervex (1852-1929) évoquant la naissance de l’opéra à la cour d’Henri IV d’un côté, et de l’autre, les débuts de l’opéra-comique à la Foire Saint-Laurent au XVIIIe siècle, dans une veine naturaliste dans laquelle le peintre semble plus à l’aise. Minutieusement décrassées, les peintures d’Albert Maignan (1845-1908) sont pour nous une véritable découverte : au-dessus d’illustrations de scènes d’opéras-comiques célèbres dans les années 1890, de charmantes allégories musicales s’épanouissent jusque sur le plafond dédié aux Notes et aux Rythmes. N’oublions pas non plus les décorateurs des autres espaces publics du théâtre qui attendent encore d’être restaurés : notamment Luc-Olivier Merson (escalier Marivaux), François Flameng (escalier Favart), Raphaël Collin (rotonde Marivaux) ou Edouard Toudouze (rotonde Favart). Ces artistes, dits «académiques», sont ceux qui se sont illustrés dans d’autres grandes commandes publiques à la même époque comme la Sorbonne (Gervex, Flameng) ou l’Hôtel de Ville de Paris (Gervex, Merson). Gervex, Maignan et Flameng se sont aussi associés pour réaliser le décor du restaurant Le Train Bleu dans la Gare de Lyon en 1900.

La salle Favart, maison dédiée aux arts lyriques, offre ainsi un résumé des expressions artistiques officielles de la fin du XIXe siècle, récemment remises à l’honneur. La restauration du Foyer, minutieusement réalisée et savamment orchestrée en collaboration avec le WMF, nous invite à tendre le cou et ouvrir grand nos yeux, pour pouvoir en apprécier toutes les nuances. 

Marion Doublet

Étiquettes : , Dernière modification: 22 mai 2020
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