Rédigé par 1 h 05 min CDs & DVDs, Critiques

Venite (Riposta, la Guilde des Mercenaires – l’Encelade)

Riposta
Œuvres de Monteverdi, Gabrieli, Grandi, Donati, Picchi, Bovicelli, Castaldi, Rognoni, Merula, Cima

La Guilde des Mercenaires :
Violaine Le Chenadec, chant
Manon Papasergio, harpe
Jean-Luc Ho, clavecin et orgue
Jérémie Papasergio, basson
Yoann Moulin, clavecin et orgue
Gabriel Rignol, théorbe
Adrien Mabire, cornet et direction

L’Encelade 2023 (ECL 2205), 77′

C’est l’un de ces petits riens, qui surprennent, et émeuvent. Un peu comme quand on se prend à écouter au vol une conversation et que l’on y reste tant elle est intéressante. La sévère jaquette, le titre obscur et guerrier : à quoi ces mercenaires ces mercenaires souhaitent-ils riposter? Et puis les mercenaires, en pleine première moitié du XVIIème siècle, ça n’a pas vraiment bonne presse, à ravager les campagnes pendant la Guerre de Trente Ans, semant mort et désolation… Même si derrière cette guilde, nos mélomanes ont repéré bien de célèbres musiciens. Passée cette énigme, l’on se prend à ce programme finement rassemblé, construit autour de la musique vénitienne de la première moitié du XVIIème siècle et qui invite l’auditeur à des duos entre la voix ductile, claire et pure de Violaine Le Chenadec (superbe “O quam tu pulchra est” de Grandi) et le cornet à bouquin d’Adrien Mabire qui assume souvent la deuxième ligne de chant et où le souffle chaleureux et délicat d’Adrien Mabire en fait une voix humaine. Le climat intimiste, sobre et éloquent, la finesse d’exécution, le soin de miniaturiste apporté aux timbre, une certaine austérité des lignes font de cette interprétation puissante et concentrée un régal de timbres et de textures, avec des œuvres rares et des partis-pris de transcriptions tout aussi originaux et qui prolonge dans son ambiance et son répertoire un vieil enregistrement chéri de la Schola Cantorum Basiliensis (Musique virtuose du XVIème siècle – DHM) où le cornet de Bruce Dickey  environné d’un aéropage à tomber (René Jacobs, Anthony Bailes, Hopkinson Smith, Montserrat Figueras, Christophe Coin, Jordi Savall,…), surnageait avec cette poésie de miniaturiste que l’on retrouve ici. Et la cohésion de ces mercenaires est remarquable : Adrien Mabire tel un portraitiste flamand semblant doser à merveille l’équilibre entre l’extrême précision pointilliste, la beauté de la ligne vocale (pardon mélodique, car elle échoit souvent au cornet), les textures plus vertes (Jérémie Papasergio, véritable caméléon tout en rondeur, loin de ses interventions souvent plus jouissives et tonitruantes, comme dans le “Domine inclina coellos” d’Inazio Donati), et des apports poétiques des “juniors” de cette petite bande (la harpe et viole de Manon Papasergio, le théorbe de Gabriel Rignol), et le support harmonique de Jean-Luc Ho et Yoann Moulin, stable et assuré. Une pièce favorite ? Instrumentale, ce serait la Canzon XII boisée et dansante de Gabrieli, avec ces registrations d’orgue colorées et grouillantes, face à un noble cornet aérien et de superbes effets d’échos. Vocale, ce serait cette étrange berceuse de la Vierge à son enfant, composée par Tarquinio Merula “Canzonetta spiritual alla nanna Curtio precipitato” – déjà bien connue des amateurs de l’Arpegiatta (Via Crucis chez Virgin) – dans une interprétation plus droite, plus pure, plus dépouillée que cette dernière. On sera un peu moins convaincu par les madrigaux amoureux, qui en dépit de la vivacité fluide des artistes, souffre un peu du caractère intimiste et chaleureux mais parfois trop retenu dans lequel baigne cette riposte, et qui donne l’impression flatteuse d’être un happy few assistant à un concert de salon.

 

Viet-Linh Nguyen

Technique : enregistrement neutre et transparent, manquant un peu de liant.

Étiquettes : , , , , , Dernière modification: 11 novembre 2023
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