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Oiseau en plein vol (Sonate Concertate – Affetti Cantabili – Perc.pro)

Le Seicento voit fleurir dans les grandes cités du nord de la Péninsule de nombreux recueils de sonates à un, deux ou trois instruments concertants et basse, modèle bien vite repris par les auteurs de l’Empire germanique. Si le violon commence à assoir son hégémonie de virtuose, d’autres instruments, notamment à vent, peuvent prétendre au même répertoire, que leurs noms soient explicitement mentionnés ou non.

Sonate Concertate a Sopran e Trombone

[TG name=”Liste des morceaux”]
Dario CASTELLO (c.1590-c.1630)

Sonate Duodecima a tre – Doi soprani e trombone (Libro Secundo, 1644)

Biagio MARINI (1597-1665)
Affetti Musicali :
La Orlandina – Symfonia per un violin o cornetto e basso se piace
La Gardana – Symfonia a violino e cornetto solo
La Bocca – Symfonia allegra a tre. Doi Violini è Basso

Antonio BERTALI (1605-1669)
Sonate a tre
Sonate a tre – Doi violini e viola da gamba o trombone con il basso per l’organo

Andrea FALCONIERO (1597-1665)
Gallarda a tre (Primo Libro)

Johann Henrich SCHMELZER (1623-1680)
Sonate a tre

Maurizio CAZZATI (1616-1704)
Passacaglio (Opera 22)

Heinrich Ignaz Franz von BIBER (1644-1704)
Sonate a tre

Giovanni LEGRENZI (1626-1690)
La Spilimberga a due violini (Opera Secunda)
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affetti_sonateFabrice Millischer, sacqueboute
Ensemble Affetti Cantabili
Anne Millischer, Catherine Plattner (violons), François Joubert-Caillet (viole de gambe), Flora Papadopoulos (harpe), Lionel Desmeules (orgue et clavecin)

Perc.pro, enr. 2012
50’07
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Le Seicento voit fleurir dans les grandes cités du nord de la Péninsule de nombreux recueils de sonates à un, deux ou trois instruments concertants et basse, modèle bien vite repris par les auteurs de l’Empire germanique. Si le violon commence à assoir son hégémonie de virtuose, d’autres instruments, notamment à vent, peuvent prétendre au même répertoire, que leurs noms soient explicitement mentionnés ou non. Ces œuvres deviennent prétextes à l’exploration de toutes les ressources expressives des instruments, encore en voie d’émancipation vis-à-vis du modèle de perfection absolue qu’est la voix humaine. S’entrelacent morceaux de bravoure et suaves adagios, au travers desquels la musique devient la terre propice au jaillissement des passions de l’être.

L’Ensemble Affetti Cantabili se propose ici de mettre en lumière le trombone, ou sacqueboute, né de la trompette basse au cours du dernier Moyen-âge, en réunissant des sonates de compositeurs attachés pour la plupart aux cours de Venise ou de Prague. Si la difficulté technique de ces œuvres ne semble nullement impressionner les membres de ce jeune ensemble, il reste comme un regret que leur aisance ne serve pas davantage l’expression musicale, et qu’elle ne chante pas mieux les sentiments. La verve est ardente, l’énergie bouillonnante, mais le registre demeure trop souvent le même et s’installe une monotonie pourtant active. Il manque les caresses et les tendres paroles, l’épanchement généreux d’une aimable volupté. Ils sont là pourtant, ces sons exquis qui effleurent l’âme, dans la Passacaille de Cazzati, appelés par le grain perlé de la harpe, mais ils restent comme retenus, murmurés à demi-mots. Faut-il voir dans cette réserve suggestive un choix artistique ? L’auditeur s’en trouve bien frustré.

Les archets sont vifs et brillants, notamment dans la Sonate Duodecima de Castello, ; Fabrice Millischer se montre d’une grande habileté à travers les passaggi mais son détaché manque parfois de liant pour être au plus près de la vocalité (Sonata a tre, Bertali).

Dans affetti, il y a affect, le sentiment, ce qui est propre à émouvoir et à toucher le cœur. Mais il y a aussi affecté, composé, factice en un sens, et donc opposé au naturel, à l’évident. Telles nous parviennent les cadences dont la dernière note arrive souvent après une suspension peut compréhensible du point de vue rhétorique.

En dépit d’une réelle recherche de variété dans les couleurs sonores, grâce notamment à un continuo polymorphe, l’entreprise du jeune ensemble n’aura pas atteint les promesses de son nom. L’on se sent parfois comme un oiseau en plein vol qui, poussé par une brise, attend la bourrasque qui le portera jusqu’aux plus hautes nuées. Il la sent venir, tous les courants qui l’entourent convergent en ce sens, mais à terme rien n’arrive. Il manque ce souffle puissant et traversant qui emporte les cœurs unanimement et les fait frémir.

 

Isaure d’Audeville

Technique : dommage que la prise de son place tant en retrait les instruments harmoniques, leur réalisation est presque trop discrète au regard des instruments monodiques.

Étiquettes : , , , , , , , Dernière modification: 23 novembre 2020
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