Georg-Frederic HAENDEL (1785-1759)
Motetti e Sonate da chiesa
Magali Léger (soprano)
RosaSolis : Tami Troman, Guillaume Humbrecht (violons), Nicolas Crnjanski (violoncelle), Julie Blais (clavecin & orgue)
61’52, Musica Ficta, 2009.
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Voici une facette moins connue de Haendel, un Haendel italien autour des années 1707 (sauf les sonates de l’opus 5 londonien), intime, avec des arabesques tant violinistiques que vocale. Pourtant, l’enregistrement se lève du pied gauche : dès les premiers traits de violon du Gloria, Rosasolis étale un son incisif, presque grinçant, relativement sec. Tami Troman et Guillaume Humbrecht insistent sur la vivacité carrée des articulations, au détriment d’un phrasé que l’on préfèrerait plus chantant et plus doux. Et le chant de Magali Léger frappe d’abord par une émission très voilée, un timbre trop… léger, et des doubles croches imprécises. On se résout donc à un enregistrement honnête et sans éclat, dont l’intérêt réside principalement dans les œuvres judicieusement choisies. Et l’on a tort.
Car à compter du 2nd mouvement de ce Gloria, un « Et in terra pax » suggestif et allongé, Rosasolis trouve ses marques et imprime à ces motets un caractère aérien où les admirables sons tenus de Magali Léger sont à la fois portés et contrebalancés par des cordes plus charnelles, sans raideur, et un positif discret. Certes, la soprano paraît toujours manquer de projection (mais cela ne peut être confirmé qu’en concert) et le timbre demeure brumeux, sans réelle profondeur avec un médian pauvre, mais l’on se laisse charmer par un chant très droit et pur, doté d’un vibrato extrêmement contenu et d’aigus innocents qui font merveille dans les mouvements rêveurs tels l’ « Et in terra pax ». Et au fur et à mesure de ce Gloria d’une ferveur insidieuse, où même les fioritures du « Laudamus te » ne sont pas si extraverties que cela, on se résigne à la beauté pleureuse du « Qui tollis peccata mundi » d’une horizontalité désespérée. Le « Quoniam tu solus sanctus » final voit Léger tenter d’attaquer avec plus de force les notes, ce qui confère un caractère saccadé à la mélodie.
Le Salve Regina HWV 241 s’avère plus homogène, débutant par un vaste Largo « Salve Regina mater misericordiae » où la chanteuse frémissante fait montre d’une superbe maîtrise du souffle et des sons enflés puis diminués. Rosasolis parvient avec succès à introduire une pulsation interne qui sous-tend les voix de dessus, à jouer sur les silences et les pianissimi, à chanter dans un murmure avant de partir dans des crescendos par paliers aussi inachevés que menaçants (« Ad te clamatus exules filii Evae »). On distinguera la ductilité de Julie Blais à l’orgue dans l’ » Eja ergo advocata nostra » allant, où elle rivalise de virtuosité avec Magali Léger dans des coloratures jetées avec aisance. Un bien beau moment. Enfin, le troisième motet Caelestis dum spirat aura est d’une facture plus opératique, à la fois dans son style plus exubérant et par sa structure alternant récitatifs et airs. A dire vrai, l’œuvre bien qu’agréable, ne se hisse pas au niveau du Gloria et du Salve Regina précédents, dénotant à nos yeux une écriture moins originale et plus artificielle. Seuls le « Tam patrono singulari » et sa belle basse arpégée ainsi que l’ « Alleluja » final virtuose trahissent les talents du jeune Saxon.
Deux sonates en trio ponctuent le programme, que Rosasolis délivre avec une componction et un équilibre serein tout à fait corelliens. La sonate n°5 opus 2 se révèle d’une maîtrise contrapuntique remarquable. L’orchestre y déploie des cordes grainées, élague le discours pour une élégante clarté des lignes (sauf dans les passages en imitation de l’Allegro rapide mais touffus). L’Adagio à la noblesse nostalgique, drapé dans son ample dignité laisse échapper de temps à autres un sourire énigmatique… L’autre sonate, n°6 opus 5 est nettement plus tardive mais regarde tout autant vers le péninsule avec peut-être plus de robuste franchise dans la mélodie. Rosasolis en livre une lecture fine et discrète, parfois cursive.
En définitive, voici des Motets & Sonates qui rappelleront à propos les délices du voyage d’Italie qui marqua tant le jeune Haendel, période durant laquelle sa production fera preuve d’une maturité et d’une fraîcheur qui se faneront dans les oratorios anglais.
Alexandre Barrère
Technique : prise de son claire et naturelle, sauf dans le Caelestis dum spirat aura où la captation est trop large.
Étiquettes : Haendel, Muse : argent, Musica Ficta, musique religieuse Dernière modification: 19 juillet 2014