Biagio MARINI (1594-1663)
Dario CASTELLO ( ?-? )
Sonates
La Fenice, dir. Jean Tubéry
Avec la praticipation de Maria Cristina Kiehr (soprano), John Elwes (ténor), Ulrich Messthaler (baryton)
2 CDs, 108’30, Ricercar, enr. 2007.
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Bon, les notes de programme sont peu flatteuses pour Monteverdi : « Avec de tels musiciens [Marini et Castello], Monteverdi pouvait être assuré d’avoir à sa disposition les meilleurs spécialistes du genre, ce qui explique peut-être pourquoi il a si peu composé pour les instruments ». Mais il est vrai que ceux qui furent respectivement le violoniste et le chef des instruments à vent de la Basilique Saint-Marc de Venise avaient la plume bien taillée. A l’écoute de ses sonates instrumentales d’une structure encore assez libre, on est frappé par l’inventivité et la complexité de la mélodie, par la virtuosité et la polyphonie présentes à chaque mesure. Il y a vingt ans, Les Sacqueboutiers de Toulouse avaient déjà défriché ces œuvres trop peu connues des Castello, Grandi, Cornetti ou autres Striggio (Venise au Siècle d’Or, Accord), mais n’avaient malheureusement pas fait tant d’émules que ça. La suite de ce voyage au sein d’un répertoire rare est donc la bienvenue.
Il y a dans le monde du baroque du début du XVIIème deux ensembles inégalables en matière de cuivres anciens (cornets et trombones surtout), les Sacqueboutiers [de Toulouse] – d’ailleurs nominés aux Victoires de la Musique 2008 – et la Fenice. Non qu’il n’y ait point d’autres excellents musiciens dans ce domaine, mais leur sonorité paradoxalement compacte et aérienne, leur naturel et leur expérience sont simplement irremplaçables. Avant même d’écouter le disque, nous étions certains que nous y retrouverions cette chaleur molle, presque moite, des après-midis d’été où la lumière se réfléchit sur l’ocre des ruelles. Nous savions que cette poésie et cette douceur serait mise au service de la mélodie, que toutes les embûches techniques ne tourneraient pas à vide, que les ornements seraient de bon goût. Pour beaucoup qui ont encore à l’esprit les tripatouillages pionniers d’Harnoncourt, le cornet à bouquin résume à lui seul les maux de l’instrument archéologique avec sa sonorité instable, aigrelette et ses notes au quart de ton près. Pourtant, à l’époque, les contemporains le tenaient pour le plus proche de la voix humaine. La rééducation devrait commencer avec l’achat de cet enregistrement de Jean Tubery, dont la direction souple et attentive souligne avec à-propos et discrétion les richesses de chaque partie. Pas de baguette intransigeante, mais une lecture naturelle et fluide, parfois rythmée, jamais agressive ou imposée. Le programme se déroule comme un concert entre amis, avec des invités qui passent échanger quelques notes. Chez Marini, la petite aria en rondo « La Soranza » interprétée par Maria Cristina Kiehr est exquise de simplicité, le Cappricio per duo violini redoutable de virtuosité (vain défi, c’est un jeu d’enfant pour cette troupe aguerrie). Nous avouons un petit faible pour la Sonata XII per duo soprani e trombone de Castello où la présence charnue et débonnaire desdits trombones dialogue avec les cordes, et la Sonata II per soprano solo d’une facture très pure. Une seule question subsiste : Mais comment font-ils ?
Anne-Lise Delaporte
Technique : excellente prise de son, très ample et détaillée, comme d’habitude chez Ricercar…
Étiquettes : La Fenice, Marini, Muse : or, musique de chambre, Outhere, Ricercar, sonates, Tubéry Dernière modification: 25 mars 2024