Dall’ondoso periglio
salvo mi porta al lido
il mio propizio fato.
Qui la celeste Parca non tronca ancor la stame alla mia vita !
Ma dove andrò ?
E chi mi porge aita ?
Ove son le legioni (…) ?Cesare, Giulio Cesare,
Atto III, szene 4
» M’arrachant aux dangers de la mer,
mon destin propice
m’a porté jusqu’au rivage.
La céleste Parque n’a pas encore tranché le fil de ma vie !
Mais où irais-je ?
Et qui me viendra en aide ?
Où sont mes légions (…) ?
César, Giulio Cesare,
Acte III, scène 4
Le livret de l’opéra Giulio Cesare de Händel s’inspire de l’épopée égyptienne de Jules César. Si son auteur Nicola Francesco Haym a pris de nombreuses libertés vis-à-vis de la réalité historique, il n’en reste pas moins que la trame du récit se base sur des faits réels :
En – 48, la guerre civile fait rage entre César et le dernier défenseur du système républicain : Pompée. César triomphe de son ancien collègue du triumvirat lors de la victoire décisive de Pharsale, en Thessalie. Pompée part alors en Egypte se réfugier chez Ptolémée XIII afin de reconstituer ses forces. Puisque Pompée a aidé autrefois le père de l’actuel souverain (Ptolémée Aulète), il suppose que le jeune pharaon ne se montrera pas ingrat.
Or, Ptolémée fait assassiner Pompée (cf. récit de Plutarque) afin de gagner les faveurs de César. Ce dernier débarque à Alexandrie avec ses légions pour poursuivre Pompée mais il arrive seulement pour recevoir la tête de son ex-beau père comme cadeau de bienvenue. Révolté par tant de traîtrise et charmé par la belle Cléopâtre VII (qui se fait livrer dans ses appartements dans son plus simple appareil et roulée dans un tapis d’après la légende), le vainqueurs des Gaules l’impose comme reine aux côtés de son frère (et époux) Ptolémée.
Bien évidemment, Ptolémée voit la perte de son pouvoir d’un fort mauvais œil : non seulement, son pays est occupé par les troupes romaines mais il doit en plus co-régner avec Cléopâtre, dont il apprécie moins le nez que César.
A la fin de l’année – 48, Ptolémée est l’instigateur d’une insurrection contre les Romains. Au palais d’Alexandrie, Jules César est pris au piège. La ville entière entre soudainement en rébellion. Ses troupes sont submergées par celles de Ptolémée et par la population hostile. César ordonne alors un repli vers le port où se trouvent les navires de sa flotte. Mais les manoeuvres sont difficiles dans les ruelles d’Alexandrie. Les légionnaires, pris par surprise, mal organisés et isolés par petits groupes perdent peu à peu du terrain face à leurs adversaires. Pour empêcher que ses précieuses trirêmes tombent aux mains de l’ennemi, César est contraint de mettre le feu à ses propres navires. Le vent portera le feu jusqu’à la fameuse bibliothèque… Les augures n’étant décidément pas favorables, l’auguste imperator (titre honorifique accordé à un général victorieux), se retrouve encerclé et se jette à l’eau pour éviter la capture. Humiliation suprême, il se débarrasse de son paladumentum, manteau écarlate synonyme de sa qualité. En effet, l’étoffe le gênait pour nager et permettait aux archers ennemis d’ajuster leurs tirs.
Le Jules César de l’acte III, scène 4 de l’opéra de Händel est donc bien loin du conquérant triomphant. C’est un général défait qui titube sur le rivage. Trempé et perdu, la tête encor emplie du fracas des armes et de l’abandon de sa galère amirale, César crie son désespoir. Entre récitatif, récitatif mesuré et air, le « Dall’ ondoso » se révèle comme l’une des pièces les plus touchantes de tout le répertoire haendélien…
M.B.
Étiquettes : Haendel, opéra Dernière modification: 21 juillet 2020