Rédigé par 11 h 57 min CDs & DVDs, Critiques

Cheers (In the Streets of London, Prisma – Fuga Libera / Outhere)

In the Streets of London,
A 17th Century Musical Pub Tour
Danses et airs traditionnels de la compilation The English Dancing Master de John Playford, oeuvres de Purcell, Thomas Ford, John Eccles & Nicola Matteis

The Division Violin & The Dancing Master: The New Hornpipe / Johnny, Cock Up thy Beaver / Newcastle
Trip It Upstairs / My Wife Is a Wanton Wee Thing / 9th of July / Dusty Windowsills
The Dancing Master: Archibald MacDonald of Keppoch / Daphne
The Star of County Down / Interlude: Musical Priest / Cooley’s / The Swallowtail
The Dancing Master: All in a Garden Green
The Fairy Queen, Z. 629, Act III: If Love’s a Sweet Passion
Abdelazer, Z. 570: VIII. Hornpipe “Hole in the Wall”
The Fairy Queen, Z. 629, Prelude: Hornpipe
Streets of London
Carolan’s Draught
Cate of Bardie
Oedipus, Z. 583: No. 2, Song. Music for a While
The Mad Lover: IV. Slow Air
Timon of Athens, Z. 632: Curtain Tune
Skye Boat Song
Niel Gow’s Lament for His Second Wife
Londonderry Air / Danny Boy
The Dancing Master: Upon a Summers Day
The Dancing Master: Drive the Cold Winter Away
Groud After the Scotch Humour
The Fairy Queen, Z. 629, Act III: Hornpipe
The Sailor’s Wife / Jenny’s Wedding / The Green Fields of Rossbeigh / The Kerry / Tatter Jack Walsh

Prisma :
Elisabeth Chapollion : flûte à bec
Franciska Anna Hajdu : voix, violon
Alon Sariel : luth, mandoline
Soma Salat- Zakariàs: voix, viole de gambe
Murat Coşkun : percussions

1 CD FUG814 enr. 2022, Fuga Libera / Outhere, 56’11

Chez Outhere, on aime l’Ecosse, l’Hibernie et la perfide Albion et le houblon ! Voilà une parution qui rappellera à nos lecteurs le superbe Nobody’s Jig des Witches d’ailleurs orné de 2 pintes sur sa couverture (Alpha 502) ou les danceries des Musiciens de Saint-Julien. Poursuivant leur pub crawl baroque, l’ensemble Prisma nous concocte un florilège où figurent en bonnes places le recueil de Playford de l’English Dancing Master et de The Division Violin avec des airs écossais et irlandais (dans cette dernière veine, nous conseillons d’ailleurs Féileacan de l’ensemble Toss the Feathers) et quelques danses plus nobles de Purcell extraites de The Fairy Queen, Abdelazer, Timon of Athens, et autres contemporains. Bref, vous l’aurez compris, rien de bien neuf sous le soleil – pardon, sous le fog londonien – si ce n’est une joie de vivre communicative qui contredit la sage illustration de la jaquette (la photo intérieure est plus parlante, nous vous laissons le soin de la découvrir). C’est une balade que l’on écoute en sifflotant, de manière irrévérencieuse, entre amis, un verre à la main et un archet en suspens, en refaisant le monde ou en hommage aux souvenirs plus ou moins heureux.

Il y a peu à ajouter, encore moins à disséquer, car c’est un enregistrement qui s’écoute sans s’analyser, l’une de ces captations où l’atmosphère qui s’en dégage est plus importante que l’écoute attentive et introspective de chaque pièce. Louons le sens des couleurs, chatoyantes, l’alliance entre la spontanéité et la virtuosité, l’historiquement informé et le folk (notamment l’excellent violon grainé et un peu geignard de Franciska Anna Hadju, la flûte à bec ronde tour à tour poétique ou sautillante d’Elisabeth Champollion, célébrons surtout une verve, un sens du rythme, une boulimie bon enfant comme dans Johnny, Cock Up thy Beaver, et autres tunes aussi lestes que jubilatoires. Peu de nervosité, encore moins d’agressivité dans ce pub amical et enjoué : les refrains s’enchaînent avec un brio souriant voire franchement rigolard, les tempi sont éminemment fonctionnels (on se prend rapidement à taper du pied ou à saisir sa voisine de comptoir pour la faire tournoyer). De temps à temps, ruptures bienvenues, certains air plus mélancoliques, lendemains embués de fêtes ou visions de lochs sous la pluie dégagent la douceur triste des matins gris (Archibald MacDonald of Keppoch d’une épure racée, the Star of County Down vocal un peu las).

Il y a aussi des instants de noblesse plus curiaux, qui nous ont moins charmé, du fait d’un langage moins instinctif, d’une interprétation plus sèche et plus contenue auss. L’on comprend l’idée d’imaginer la version populaire jouées dans les tavernes d’airs renommés des masques de Purcell, un peu comme lorsqu’on sifflotait une ariette de Lully – elle-même parfois inspirée de mélodies populaires entendues, selon la légende, sur le Pont-Neuf – dans l’arrière-salle d’une auberge. Mais la viole du All in Garden Green est un peu seulette et discrète, le If Love’s a Sweet Passion déplore la perte de son hautbois et de sa soprano car cette transcription pour flûte lui fait perdre beaucoup en poésie, la rend à la fois plus banale et faussement populaire (les glissandi du violon). L’on passera sur le reste de pièces de Purcell du même tonneau, et sur le rêveur Streets of London contemporain de Ralph McTell ponctué d’une mandoline, pour célébrer les airs traditionnels écossais et irlandais qui sont le point fort de ce pub tour. S’y distingue une trilogie de chansons plus lentes : un touchant et pur Skye Boat Song, une nostalgique et ronde lamentation hommage à une épouse décédée (Niel Gow), un [London]derry Air dans la même veine tout comme le célèbre et hypnotique Drive the Cold Winter Away, grave et concentré. Mais trêve de spleen, l’album se conclut sur des entrechats plus vivants (Jenny’s Wedding ou the Kerry) à l’issue desquels on émettra deux regrets : que l’alcool de Prisma ne soit pas constamment plus joyeux, car ce sont les morceaux les plus vifs qui sont les plus réussis, et que les plages soient individuellement découpées, en évitant les regroupement de 3 ou 4 airs, certes brefs mais différents. Sur ce, cheers !

 

Viet-Linh NGUYEN

 

Technique : captation très claire et détaillée, manquant un peu de liant.

 

Étiquettes : , , , , Dernière modification: 19 mai 2023
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