On nous pardonnera le jeu de mot douteux et la langue pendue. Faut-il se réjouir de ce 13 avril 1742 ? Voyons cela en allant flâner vers Fishamble Street, quartier de Temple Bar à Dublin pour un gala de charité « pour le secours aux détenus de plusieurs prisons et le soutien du Mercer’s Hospital de Stephen’s Street ainsi que de l’Infirmerie de charité de l’Inns Quay » : l’on se presse et les robes à panier sont déconseillées aux élégantes afin de maximiser l’espace tandis que les hommes, désarmés, sont encouragés à laisser leurs épées. Vous nous voyez venir avec nos gros souliers à boucles ? « Dublin, 1742 » mais c’est bien sûr ! Laissons de côté la longue mutation de l’œuvre haendélienne, les rivalités entre troupes, l’abandon de l’opera seria italien (L’Imeneo chambriste et l’ironique chant d’adieu de Deidamia) au profit des oratorios anglais (Saül et Israël in Egypt) et penchons-nous rapidement, en homme pressé, sur ce si célèbre Messie.
Qu’il suffise de dire que l’invitation de William Cavendish, duc de Devonshire et Lord Lieutenant d’Irlande, tombait à point pour un caro Sassone passablement déçu du public londonien, lessivé économiquement, et en mal de changement. Que le défi de boucler cet oratorio dramatique mais sans drame dut ajouter du sel à la commande. Car le Messie fut écrit de manière précipitée, et inspirée. Sa première mouture fut bouclée en 24 jours, avec peu de retouches et de griffures, sur un livret en anglais de Charles Jennens inspiré de la Bible. Reçu aux alentours du 10 juillet 1741, Haendel s’attelle à le mettre en musique et en termine la première partie aux alentours du 28 août, la deuxième le 6 septembre et la troisième, le 1er septembre. L’original autographe de la partition dénote une sûreté de plume remarquable et peut être consulté sur le site de la British Library.
Alors pourquoi attendre le 13 avril pour le jouer si tout était prêt dès septembre ? Eh bien tout simplement pour deux raisons : d’abord ce n’est que le 18 novembre que Haendel part en tournée en Hibernie, et y reçoit un accueil chaleureux : concerts privés pour la noblesse locale, puis du 23 décembre au avril 1742 s’enchaîne une « rétrospective Haendel » bien remplie : l’Allegro, il Penseroso ed il Moderato, Esther, le Festin d’Alexandre, Imeneo, Acis et Galatée, l’Ode à Sainte Cécile sont interprétés et acclamés. Ensuite, le Messie, quoiqu’on l’oublie trop souvent, est un Oratorio de Pâques ! Il fallait donc attendre ce moment. A la demande générale, le Messie sera tout de même repris le 3 juin. Et Haendel, satisfait et regonflé d’assurance, s’en retourne en Angleterre mi-août. (En passant, l’on me souffle que le 13 avril 1598, c’était aussi la promulgation de l’Edit de Nantes) [M.B.]
Étiquettes : Haendel, oratorio Dernière modification: 13 avril 2021