Musiques Sacrées à Versailles
Œuvres de Claude Lejeune, Eustache Du Caurroy, Nicolas Formé, Etienne Moulinié, Guillaume Bouzigniac, Jean-Baptiste Lully, Henry Du Mont, Pierre Robert Marc-Antoine Charpentier, André Campra, Nicolas Bernier
Claude LEJEUNE (ca 1530-1600)
Muze, honorons …, choeur en l’honneur d’Henri IV
Prince, la France te veut par ces vers sacrer un autel …
Omnes gentes
Adjuro vos filiae Hierusalem, motet à double choeur à 8 voix
Tristitia obsedit me, texte de Savonarole
Quand pour Egipte éloigner …, psaumes 114 & 115 à 5 & 6 voix
Louë tous ce Dieu qui est dous, psaume à double choeur à 8 voix
Dieu, nous te loüons, Te Deum à 6 voix
Eustache DU CAURROY (1549-1609)
Prince, la France te veut par ces vers sacrer un autel …
Te Deum
Nicolas FORMÉ (1567-1638)
Missa duobus choris
Domine salvum fac Regem
Ecce tu pulchra es
Etienne MOULINIÉ (1599-1676)
Litanies de la Vierge
Guillaume BOUZIGNAC (av.1587-ap.1643)
Assumpta est Maria
Ha ! Plange filia Jerusalem !
Dum silentium
Jean-Baptiste LULLY (1632-1687)
Miserere mei Deus [LWV25]
Henry DU MONT (1610-1684)
Nisi Dominus
Pierre ROBERT (ca1625-1699)
De Profundis
Marc-Antoine CHARPENTIER (1643-1704)
Super flumina Babylonis [H171]
Super flumina
Hymnum cantate nobis
Memor esto
Hymnum cantate nobis Memor esto
André CAMPRA (1660-1744)
Tota pulchra es
Nicolas BERNIER (1665-1734)
Laudate Dominum
Parution à l’occasion du XXe anniversaire des Pages & des Chantres du Centre de musique baroque de Versailles. Direction : Olivier Schneebeli
Compilation de divers enregistrements parus chez Alpha et K617 et quelques inédits de concerts diffusés par Radio France. 67’51 + 68’54 + 69’38, K 617, 2012.
Son plus bel atour est certainement ce chœur unique en couleurs, textures et moelleuse volupté que sont les Pages et Chantres de Versailles. Fêtant ses 20 ans avec faste un beau coffret de trois CD vient prolonger l’éclat d’une naissance sous les meilleurs auspices. Olivier Schneebeli dirige avec passion cet ensemble vocal d’excellence depuis 20 ans. Artisan patient et exigeant il conduit ou prépare le chœur pour de nombreux concerts mais il forme aussi les Chantres qui lors des fameux concerts du jeudi à tour de rôle s’entraînent à la direction de chœur, en apéritif du concert dirigé par le maître, une pièce découverte durant la répétition juste avant. Ce rituel propulse les impétrants à se dépasser devant le public. Centre de formation, ensemble capable de mener jusqu’à la production de concerts et d’enregistrements les musiques du grand siècle, organe de recherche du répertoire, édition et diffusion d’éditions critiques : le CMBV est une véritable petite usine…
La réussite en 20 ans ne souffre aucune infime déception. Même ce coffret de trois CD ne cède pas au découpage brillant et vain auquel d’autres auraient cédé devant une discographie si pléthorique. Ces trois CD retracent tout un pan de l’histoire de France chronologiquement, ainsi le premier compositeur du recueil est Claude Lejeune qui servit Henry III et Henri IV. Puis Nicolas Formé qui mit en musique les vœux de Louis XIII. Etienne Moulinié, Guillaume de Bouzignac, Henry Du Mont, Pierre Robert et Nicolas Bernier resplendissent d’autant mieux qu’ils sortent de l’ombre. Ensuite c’est Louis XIV certainement le roi qui a le plus aimé la musique et s’en est servi pour assoir sa puissance ; et si son compositeur favori, véritable artisan de propagande, Lully est présent modestement dans ces enregistrements c’est pour mieux mettre en valeur par un rang égal ceux qu’il a voulu étouffer. Campra, et surtout l’immense Charpentier sont à l’honneur. Le motet Super flumina Babylonis de Charpentier est certainement l’œuvre la plus splendide de ces enregistrements. Émotion et grandeur étant artistement mêlées.
Le premier CD regarde vers les origines de la Renaissance, des compositions courtes et variées mêlent refrains homorythmique assez populaires et motets ou psaumes à double chœur à 8 voix. Claude Lejeune est bien un compositeur des origines. Le Te Deum d’Eustache Du Caurroy marque une avancée plus nette dans le monde baroque de la grandeur avec ses larges proportions, ses superpositions franco-flammandes formant de vastes volutes qui alternent avec de courts moments solistes. On remarque dans ce premier CD des noms grands parmi les grands. La voix reconnaissable entre toutes de Claire Lefilliâtre illumine Lejeune et au cornet Jean Tubéry est un atout majeur.
Olivier Schneebeli et les Pages du CMBV © Medici.tv
Le CD 2 avec Nicolas Formé, Etienne Moulinié et Guillaume Bouzignac sont les auteurs révélés au grand public par le CMBV. La beauté et l’originalité de leurs musiques émerveillent et le travail éditorial les a rendus à la postérité pour notre plus grand plaisir. L’inévitable Lully, rare à l‘église, qui osa pour son Miserere confisquer dit-on jusqu’à 180 musiciens, quand les Sous-maitres de musique devaient se contenter de si peu pour l’ordinaire de la musique de la Chapelle Royale… Le résultat est opératique et grandiose. Sans arriver à ce nombre d’interprètes, la partition est honorée par les interprètes avec un Howard Crook tout simplement royal mais qui sera encore plus noble dans le Nisi Dominus d’Henry Du Mont.
Le CD 3 permet de retrouver le très sombre De Profondis de l‘Abbé Pierre Robert, grand compositeur mystique tout à l’opposé de l’art représentatif de Lully et Charpentier. C’est pourtant la partition magnifique du « grand » Super flumina Babylonis de Charpentier qui restera comme la plus belle perle de ces rééditions. La puissance narrative de cette œuvre qui raconte la souffrance d’un peuple privé de sa citée, est portée par un engagement vocal sans faille de tous, instrumentistes compris.
Tout au long de ce parcours musical sans fautes, l’auditeur peut apprécier les couleurs à la fois claires et charnues des Pages. Cette recherche d’une couleur unique réalisée par Olivier Schneebeli est son absolue réussite. Le mélange des voix de garçons et filles permet ce plaisir immense qui est unique au monde. La résurrection de ce son français par excellence permet aux œuvres vocales de planer haut et de réchauffer le cœur également. La justesse obtenue avec ce chœur d’enfants est admirable ainsi que la variété des nuances. Les soli fragiles et parfois diaphanes sont porteurs de belles émotions. Les chantres apportent un soutien plus mâle à ce chant aérien tant en solistes que petits ou grands chœurs. Le travail d’Olivier Schneebeli porte également sur l’extraordinaire diction de cette école de Versailles réhabilitée. Le texte projeté devient clair sur toute la tessiture et le latin francisé un peu artificiel au début a acquis souplesse et élégance et semble faire partie de cette musique pour l’éternité. Les voyelles à la française sont consubstantielles à cette musique qui affirme sa différence.
Ce chœur, beau jeune homme de 20 ans, aux charmes d’un monarque admiré du monde entier pourrait à présent sans perdre de sa superbe s’ouvrir aux répertoires européens afin d’enrichir son art. (Qui mieux que Bach avait saisi le caractère français dans ses ouvertures et les Ciaccona de ses cantates….). La musique ne connaissait pas les frontières alors. Et pour les Chantres, futurs chefs de chœurs, l’ouverture vers un autre répertoire, permettrait une formation plus complète.
L’équipe du CMBV, et tout particulièrement les Pages et Chantres, a répondu aux attentes avec probité, efficacité et beauté musicale totale. L’ouverture vers un répertoire plus vaste, au-delà du temps et de l’espace bénéficiera de ses acquis en les bonifiant. Le risque d’une sclérose par l’excellence purement française n’est pas qu’une vaine crainte. Tant de splendeur ne saurait craindre l’ouverture ! Les Pages et Chantres méritent de rayonner au delà de l’Hexagone !
Hubert Stoecklin
Technique : n/a en raison de la compilation de nombreux enregistrements distincts.
Étiquettes : Campra, Du Mont Henry, Hubert Stoecklin, Jean-Baptiste Lully, K617, Marc-Antoine Charpentier, Moulinie Etienne, Muse : or, Robert Pierre, Schneebeli Olivier, Versailles Dernière modification: 11 février 2022