Rédigé par 15 h 39 min Concerts, Critiques

Lumières de Noël… (Haendel, Messie, Orfeo 55 & Le Choeur de Chambre de Namur, Stutzmann – Metz, 12/12/2014)

A quelques jours de la fête de Noël, Nathalie Stutzmann à la tête de son ensemble Orfeo 55 et du Chœur de Chambre de Namur, offre aux Lorrains un magnifique cadeau dans le cadre des Noëls de Moselle, Le Messie d’Haendel.

Orfeo 55

Haendel, Le Messie

Orfeo 55 Le Chœur de Chambre de Namur, dir. Nathalie STUTZMANN

 

Orfeo 55

© Orfeo 55

 

Georg Friedrich HAENDEL (1685-1759)
Le Messie

Oratorio en trois parties HWV 57
« La Prophétie du Seigneur »
« Le sacrifice du Christ et sa condamnation »
« Le Christ triomphant »

Distribution :
Susan Gritton, soprano

Sara Mingardo, contralto
Benjamin Bernheim, ténor
Andrew Foster Williams, basse 

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Premier violon : Rémi Riere

Violons: Nicola Cleary, Martha Moore, Laura Corolla,
Caroline Lambelé, Anne Camillo, Satomi Watanabe, Lucien Pagnon,
Virginie Slobodjaniuk, Emanuele Marcante
Altos : Marie Legendre, François Martigné, Elisabeth Sordia
Violoncelles : Patrick Langot, Anna Carewe, Céline Barricault
Contrebasses : Pasquale Massaro, Mathieu Serrano
Clavecin/orgue : François Guerrier
Théorbe : Michele Pasotti
Hautbois : Ingo Müller, Vincent Robin
Bassons : Michele Fattori
Trompettes : René Maze, Nicolas Planchon
Timbales : François Garnier 

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[TG name=”Chœur de Chambre de Namur”]

Sopranos: Julie Calbète, Anne-Hélène Moens, Maria Reina Navarro Crespo,
Amélie renglet, Céline Rémy, Pauline Yarak
Altos: Véroniqu Gosset, Dina Husseini, Vinciane Soille
Contre ténors: Jean Sébastien Beauvais, Josquin Gest, Guillaume Houcke
Ténors: Thibaut Lenaerts, Jacques Dekoninck, Eric François, Thierry Lequenne,
Jean-Yves Ravoux, Bruni Renhold
Basses: Pierre Boudeville, Anicet Castel, Alejandro Gabor,
Sergio Ladu, Tiago Mota, Laurent Collobert 

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12 décembre 2014, L’Arsenal (METZ), 20h00

A quelques jours de la fête de Noël, Nathalie Stutzmann à la tête de son ensemble Orfeo 55 et du Chœur de Chambre de Namur, offre aux Lorrains un magnifique cadeau dans le cadre des Noëls de Moselle, Le Messie d’Haendel.

Ce cadeau pourrait assombrir les couleurs scintillantes de Noël ! Dans un entretien accordé au Républicain Lorrain paru le 12 décembre, Nathalie Stutzmann avoue « sa frustration de ne pouvoir développer d’autres projets…par manque de moyens, subventions ». Que la magie de Noël opère afin de préserver et faire vivre ce talentueux ensemble, comme le fait avec grande discrétion l’association Eurydice 55, l’Arsenal… Orfeo 55 est en résidence à Metz depuis 2009, date de sa création.

L’oratorio Le Messie a été composé en seulement vingt-quatre jours. Même à la hâte, il n’en demeure pas moins le plus célèbre oratorio composé par Haendel. Cette œuvre se révèle être une pièce maîtresse de l’histoire de la musique baroque sacrée. Elle est interprétée sur toutes les scènes du monde, et surtout aux Etats-Unis et au Japon lors des fêtes de Noël, tradition peu respectée en France. Haendel rend un hommage au Christ dans toute sa puissance, sa gloire et sa miséricorde, en se référant à un recueil de textes bibliques. L’articulation de ce « Messie » ressemble à celle d’un opéra, trois actes, plus exactement trois parties : « La Prophétie du Seigneur », « Le sacrifice du Christ et sa condamnation » et « Le Christ triomphant ». Le talent du Saxon réside dans le fait d’alterner airs de l’orchestre, l’intervention des solistes et le chœur donnant ainsi un mouvement, une dynamique.

Du dynamisme, Nathalie Stutzmann n’en est pas avare ! Elle s’engage, va au-delà en donnant un relief fort intéressant à cet oratorio. S’appuyant sur une solide formation de musicienne – études approfondies de piano, basson, musique de chambre et direction d’orchestre – et de chant – voix de contralto – grâce à l’enseignement de sa mère, la grande soprano Christiane Stutzmann, elle approche cette œuvre avec une certaine liberté mais avec une rigueur inégalée. Elle excelle dans la science du phrasé, ses gestes sont précis, élégants et naturels. L’ensemble épouse chacun des mouvements de la Chef.

Nul ne peut rester insensible à cette intensité émotionnelle envahissant la salle pleine de l’Arsenal. La Musique est une passion, celle de Nathalie Stutzmann…

Son ensemble de chambre Orfeo 55, composé de vingt-six musiciens, est au rendez-vous sans être omniprésent. Il soutient le chant sans le submerger, il laisse la part belle aux voix. Tout n’est que retenue, finesse d’exécution que cela soit dans les parties instrumentales seules “Sinfonia” et “Pifa”, une pastorale introduisant les bergers de Bethléem, soit des les accompagnements des solistes et/ou du chœur. Les cordes plongent les auditeurs dans une atmosphère chaleureuse, ouatée, comme un doux velours jeté sur les épaules. Cette chaleur est « perturbée » par les tourbillons violonistiques dans le récitatif accompagné “For behold, darkness shall cover the earth…”, “Car voici, l’Ombre régnait sur la terre…” Le bassoniste Michele Fattori et l’organiste-claveciniste François Guerrier assurent le continuo avec brio.

Les vingt-quatre chanteurs du Chœur de Chambre de Namur témoignent avec conviction de leur ferveur dans un élan enthousiaste lors de “And the glory of Lord shall be revealed“, “Et la gloire de Créateur sera révélée”. Le chœur vise le dynamisme et la précision, mis en surbrillance dans “Glory to God ” par l’entrée flamboyante des trompettes René Maze et Nicolas Planchon. Dès les premières notes du « fameux » Alléluia, écrit en ré majeur, le chœur impose sa force, sa foi.

Quant aux solistes de renommée internationale, le choix fait par Nathalie Stutzmann se révèle judicieux. Leur humilité et leur engagement sans faille apportent, sans conteste, une lumière divine à cette œuvre. Les solos sont généralement une combinaison de récitatif et d’air, ce qui permet aisément de transmettre sans artifice le sens du texte. Les mouvements « récitatifs » sont dits « secco », accompagnés par le seul continuo comme dans l’air “There were shepherds…in the field” chanté par la soprano britannique Susan Gritton où ses aigus jouissent d’une véritable clarté. Alors que les récitatifs accompagnés le sont par d’autres instruments à corde supplémentaires tel “And lo, the angel of the Lord…afraid”, “Tout à coup, un ange du Seigneur…peur.” La voix de la soprane jouit d’une large tessiture véhiculant avec aisance les émotions. Elle chante la joie, “Tressaille de joie, fille de Sion”.

L’aria “But who may…coming ?” se veut être le parfait reflet des couleurs chatoyantes et douces de l’alto Sara Mingardo. La préparation du moule se veut précise, fine et apporte encore plus d’élégance à cette belle vénitienne. Tout au long de ses interventions, la fascination vocale sera de mise. Elle est la digne messagère de la bonne nouvelle “O thou that tellest good tidings…” sans extravagance, plus dans le recueillement. Un moment de pur bonheur musical, l’air de l’alto “He was despised”, “Il était méprisé” donne de la profondeur, du réalisme à ce que l’Homme peut enfouir au plus profond de lui-même, cette « noirceur » qui fait trembler… 

Le ténor français Benjamin Bernheim fait honneur à sa « caste ». Même s’il ne développe pas toute sa puissance vocale, il n’en demeure pas moins une belle voix. Son air d’entrée “Ev’ry valley shall be exalted” le présente sous ses meilleurs attraits, une assurance scénique et vocale hors pair. Sa diction fluide permet à l’auditoire de saisir toutes les nuances allant de la joie à la souffrance. Il excelle dans son récitatif accompagné “thy rebuke ….His heart”, “Tant d’outrages … le cœur”. Il se montre convaincant dans son dernier air “Thou shalt break them with a rod of iron…”. Il donne force “pour les briser avec le fer.”

Quant à la dernière voix de soliste, la basse Andrew Foster Williams dispose d’une projection plus qu’honorable. Ses graves sont profonds dans “Thus saith the Lord“, “Car ainsi parle le Tout-Puissant” mais peuvent paraître « rocailleux », gutturaux dans l’aria “Why do the nations”. Un certain déhanchement, dandinement apparaît d’ailleurs sur cet air. Est-il nécessaire pour faire jaillir les notes graves ? 

Malgré une légère réserve sur le dernier soliste, les voix – solistes et chœur confondus – se déploient dans ce magnifique écrin qu’est l’Arsenal de Metz. L’éclairage oscillant du rouge au bleu apportait un relief aux dorures de la salle, donnant ainsi la teinte des couleurs festives de Noël.

Un grand MERCI à Orfeo 55, le Chœur de Chambre de Namur et à Nathalie Stutzmann pour ce sublime cadeau d’amour, d’intensité, d’émotion. Un cadeau lumineux sans excès…

Jean-Stéphane Sourd Durand

Étiquettes : , , , , , , , Dernière modification: 17 décembre 2014
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