Rédigé par 16 h 38 min Actualités, Editos

S’échapper de l’Empire des Morts

Nous avons bien mal choisi notre heure pour que notre Muse s’éveille. Elle s’est étirée, heureuse, drapée dans ses nouveaux oripeaux, belle et fière dans son nouvel appareil (paraphrasant maladroitement Racine). Et alors qu’elle espérait la lumière et les ors, le cistre et la myrrhe, les ris et les jeux, les pleurs et les cris, elle n’a trouvé sortie de sa caverne que le morne silence, s’est heurtée aux portes closes, aux masques et au désarroi. 

Arte concerts – Capture écran Muse Baroque, 22/11/2020

Nous avons bien mal choisi notre heure pour que notre Muse s’éveille. Elle s’est étirée, heureuse, drapée dans ses nouveaux oripeaux, belle et fière dans son nouvel appareil (paraphrasant maladroitement Racine). Et alors qu’elle espérait la lumière et les ors, le cistre et la myrrhe, les ris et les jeux, les pleurs et les cris, elle n’a trouvé sortie de sa caverne que le morne silence, s’est heurtée aux portes closes, aux masques et au désarroi. 

Et pourtant, chaque jour, malgré les épreuves et les obstacles, le monde de la musique et des arts fait preuve de la plus grande inventivité, combattivité, résistance (pour ne pas sombrer dans la résilience des consultants, si chère à nos managers). Les répétitions se poursuivent, les projets avancent, les représentations se télédiffusent devant des salles vides aux spectateurs planétaires, et tous nos artistes sont au rendez-vous, mobilisés, sur le pont, hyperactifs face à la Morosité : on ne citera pas d’exemples d’orchestres, de festivals tant les projets fourmillent : Arte Concert, Culture Box, Youtube, des sites dédiés ont remplacé les velours et les stucs. Malgré la précarité des statuts, malgré l’incertitude de la menace fantôme, malgré la bureaucratie ubuesque, malgré et en dépit de tout.

Il y a longtemps, nous avions protesté contre la diffusion d’opéras ou de spectacles (en direct) dans les salles de cinéma, car nous y avions vu un moyen de recréer un hyper-poulailler pour des mélomanes de seconde zone, plutôt que de permettre un accès plus large à tous aux véritables représentations. Nous étions toutefois plus nuancés, et avions “en même temps” saluer une diffusion qui permettait à tous les spectateurs physiquement éloignés de suivre des scènes disséminées partout dans le monde. Aujourd’hui, et bien que cela ne soit qu’un palliatif très temporaire, la force du destin nous y contraint, et nous souhaitons pouvoir en admirer le plus possible, et en chroniquerons même quelques-uns.

Et puis, il y aura le monde d’après, celui de la remontée vers l’Arcadie baignée du soleil doré d’une italianité digne de Berchem. Et où nous goûterons encore plus le fruit un moment défendu. 

Continua a sperare, o voi che entrate.

 

Viet-Linh NGUYEN

Dernière modification: 15 décembre 2020
Fermer