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Daphnis & Alcimadure de Mondonville : Les Passions ressuscitent bientôt un opéra en occitan

Le chef et flûtiste Jean-Marc Andrieu, directeur musical des Passions, travaille depuis de longues années à la résurrection du seul opéra baroque… en occitan, l’unique Daphnis & Alcimadure de Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772). Cette “pastorale languedocienne en un Prologue et 3 actes” (la structure similaire à Titon et l’Aurore d’un an sa devancière et qui vient d’être donnée à l’Opéra Comique), fut à la fois écrite et composée par le compositeur, en s’inspirant de la fable de La Fontaine.

Source : Gallica / BnF

Le chef et flûtiste Jean-Marc Andrieu, directeur musical des Passions, travaille depuis de longues années à la résurrection du seul opéra baroque… en occitan, l’unique Daphnis & Alcimadure de Joseph Cassanéa de Mondonville (1711-1772). Cette “pastorale languedocienne en un Prologue et 3 actes” (la structure similaire à Titon et l’Aurore d’un an sa devancière et qui vient d’être donnée à l’Opéra Comique), fut à la fois écrite et composée par le compositeur, en s’inspirant de la fable de La Fontaine. Le Prologue (en français) des Jeux Floraux, fut quant à lui rédigé par Claude-Henri de Fusée de Voisenon. Avec la résurrection récente d’Isbé par György Vashegyi (Glossa), ce sont ainsi toutes les pastorales de Mondonville qui seront revenues au devant de la scène dans des versions historiquement informées. Pour la petite histoire, ce Daphnis & Alcimadure ne sera pas une première mondiale, un obscur enregistrement de 1981 des Chœurs et Orchestre de Montpellier-Roussillon sous la direction de Louis Bertholon ayant tenté l’aventure il y a bien longtemps (Ventadorn).

Cette pastorale fut représentée à Fontainebleau, en présence de la cour, les 29 octobre et 4 novembre 1754, puis à l’Académie Royale de Musique le 29 décembre 1754 (date du Mercure de France) ou le 5 janvier 1755 (date figurant sur le livret imprimé). Lors de la création, Marie Fel (dont Maurice-Quentin de La Tour a immortalisé le sourire espiègle au pastel) tenait le rôle d’Alcimadure, le fameux Jéliote celui de Daphnis, et Delatour celui de Jeannet.

Jean Marc Andrieu à la Chapelle Ste-Anne de Toulouse © Jean-Jacques Ader

Pour la reprise du 7 juin 1768, dans la Salles des Machines des Tuileries, Mondonville dut traduire l’ouvrage en français du fait des départs à la retraite de Jélyotte et Marie Fel, et de l’absence d’autres “acteurs gascons” à l’opéra. Une reprise  eut aussi lieu en 1773 toujours en français. Enfin, il faut attendre 1778 pour une reprise en occitan  à Montpellier (*) avant que l’œuvre fortement remaniée en ballet ne finisse sa carrière à l’orée de la Révolution,  au Capitole de Toulouse, les 15 mars 1786 et 24 décembre 1789.

Si le Covid a empêché la production initialement prévue en juillet 2020 au festival Radio France Montpellier Occitanie, Jean-Marc Andrieu ne s’avoue pas vaincu et l’on attend de pied ferme la recréation de cette œuvre rare  sur la scène du Capitole de Toulouse et au Théâtre Olympe de Gouges de Montauban en compagnie du Chœur de Chambre Les Éléments et de solistes réputés : Anaïs Constant, Hélène Le Corre, François-Nicolas Geslot … Une captation au disque est également prévu, et dans l’attente, un film documentaire est en cours de réalisation, et nous convions nos lecteurs à se faire une haute idée de l’opéra en relisant le Mercure de France de décembre 1754, M. M. désigne naturellement M[ondonville] :

“Cet Opéra nouveau nous rappelle le premier âge en France des lettres et des arts. M. Mondonville, poète tout à la fois et musicien , est l’auteur des paroles et de la musique : tels étaient autrefois nos fameux Troubadours.

La pastorale est écrite en langage toulousain, le Prologue l’est en notre langue.

L’institution des Jeux floraux, que nous devons à Clémence Isaure, est le sujet du Prologue, et ce personnage est le seul chantant qui y paraisse. Isaure est entourée de peuples, de jardiniers et jardinières, (…) Les chants d’Isaure très bien rendus par Mlle Chevalier, et coupées de danses et de chœurs, amènent le développement du projet qu’elle a formé ; (…)

Les peuples lui répondent par des chants de triomphe et d’allégresse, et c’est ainsi que finit d’une manière noble ce joli prologue.

La Pastorale roule sur trois acteurs : Daphnis, qui aime Alcimadure ; celle-ci qui n’aime encore rien, et qui s’est décidée pour fuir toujours l’amour ; et Jeannet, son frère, personnage toujours gai, qui prend vivement les intérêts de sa sœur, et qui cherche en s’amusant à lui ménager un établissement qu’il croit fort convenable.

Daphnis, en se montrant, développe la situation de son âme par un monologue, dont le chant peint fort bien la tendresse naïve des paroles (…)

Alcimadure paraît, et il s’éloigne pour découvrir ce qui l’amène. Voici la manière vive dont elle s’annonce (…) Après cette ariette d’un ton léger et très agréable, Daphnis paraît, et ces deux personnages soutiennent dans la scène, l’un le ton de la tendresse, l’autre le ton de la gaieté que leur monologues avaient annoncé. Daphnis y déclare son amour ; Alcimadure l’écoute sans le croire, elle le rebute même, et paraît résolue à le fuir ; mais il l’arrête en lui proposant une petite fête où l’on doit danser pour elle, et court chercher les bergers du village pour la lui donner. Jeannet, frère d’Alcimadure arrive alors ; elle lui fait confidence d’un amour dont elle se serait bien passée. Il combat cette répugnance, et trouve Daphnis un parti sortable ; mais Alcimadure n’entend point raison raison sur ce point ; (…)

Jeannet insiste, et il se propose s’il rencontre Daphnis dont il n’est pas connu, de l’éprouver si bien qu’il ne lui sera pas possible de la tromper. Alors le divertissement annoncé arrive. Il est composé de bergers et de bergères, et les chants qui coupent la danse sont adroitement placés dans la bouche de Daphnis, et relatifs à la situation de son cœur (…)

Daphnis ne se lasse point de chanter l’amour. ce refrain semble déplaire à Alcimadure ; elle interrompt brusquement le fête, et prend prétexte qu’elle est obligée d’aller joindre son frère, ce qui termine le premier acte.

Le second débute par une troupe de villageois conduit par Jeannet, armés pour une chasse au loup. Il s’animent par un chœur bruyant à la chasse qu’ils doivent faire, et Jeannet les renvoie après en leur disant fièrement de l’avertir lorsqu’il faudra commencer d’entrer en danse. Avec les armes qu’il porte, il se flatte d’en imposer assez à Daphnis pour éprouver son amour, et il se propose de le servir auprès de sa sœur s’il le trouve fidèle. Daphnis paraît ; l’explication se fait par des discours naïfs de la part de l’un, et des bravades de la part de l’autre. M. M. pour varier, a voulu jeter du comique dans ce personnage fort bien chanté par M. Delatour. Sur ce que lui dit Daphnis des rigueurs qu’il éprouve il lui répond (…) Daphnis lui réplique (…) Jeannet fait alors l’étonné. Quoi ! lui dit-il, vous n’avez jamais vu de batailles, de canons, de bombes, etc. (…)

L’éclaircissement arrive ensuite. Jeannet feint d’être sur le point de se marier avec Alcimadure ; on juge de l’effet d’une telle confidence sur Daphnis. Il déclare avec fermeté qu’il aime cette cruelle. Jeannet veut le forcer à n’y plus penser ; il lève le bras et son épieu pour l’y contraindre : mais le berger aime mieux mourir… Dans ce moment, on entend crier au secours : c’est Alcimadure poursuivie par un loup prêt à la dévorer. Daphnis arrache des mains de Jeannet, qui s’enfuit, l’épieu dont il était armé, combat le loup, le tue, revient, et trouve Alcimadure évanouie. Il lui parle, lui dit que le loup est mort, et s’efforce de l’attendrir. Elle n’est que reconnaissante et point tendre. Jeannet survient pour faire une nouvelle fanfaronnade : tout le village le suit, et il se forme alors un divertissement qui a pour objet de célébrer la valeur de Daphnis. Alcimadure et Jeannet, par ce moyen, se trouvent chargés de toutes les chansons que M. M. y a placées. L’acte finit par le projet d’aller présenter Daphnis en triomphe au Seigneur du village.

Alcimadure ouvre le troisième acte par un monologue, dans lequel son cœur dispute encore contre l’amour. Jeannet, qui arrive, lui apprend qu’il a éprouvé son amant, tâche de vaincre son indifférence, n’y réussit pas, et se retire apercevant Daphnis. Celui-ci fait de nouveaux efforts, il parle de mourir : Alcimadure se trouble, et se plaint d’avoir été quittée par Jeannet. A ce nom, que Daphnis croit être celui de son rival, il sort au désespoir, bien décidé de ne plus vivre. C’est alors qu’Alcimadure ne suit plus que les mouvements de son cœur ; son amour se déclare par ses craintes. Jeannet revient, et lui assure que Daphnis est mort. Elle ne se possède plus à cette nouvelle ; elle part pour aller percer son sein du même couteau qui percé celui de son amant.

Daphnis paraît alors. Le désespoir d’Alcimadure se change en une joie aussi vive que tendre. Un duo charmant couronne le plaisir que cause tout cet acte, et un divertissement formé par les compagnons de Daphnis et les compagnes d’Alcimadure, termine fort heureusement cet ouvrage, qui joint le piquant de la singularité aux graces naïves d’un genre tout à fait inconnu. Nous avons déja dit la manière dont M. Delatour s’est acquitté du rôle de Jeannet ; ceux d’Alcimadure et de Daphnis ont été rendus par Mlle Fel et Mr Jéliote. Ils sont si supérieurs l’un et l’autre, lorsqu’ils chantent le Français, qu’il est aisé de juger du charme de leur voix, de la finesse de leur expression, de la perfection de leurs traits, en rendant le langage du pays riant auquel nous devons leur naissance.” (op. cit. in J-M. Brenac, Operabaroque révisé MB)

 

 

Étiquettes : , , , , , , Dernière modification: 9 mars 2021
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